Souvenirs, souvenirs

La mémoire est un paysage étrange qui se perd dans les méandres de nos émotions. Elle mélange flashs-photos instantanés d’un moment de vie avec images sensorielles déformantes….

C’est ainsi que nous nous sommes plongés dans l’exercice de nos souvenirs d’enfance, un soir où nous avions constaté que ceux d’un membre de la famille avaient eu des « ratés » …

Des couleurs, des formes, des objets, des actes du quotidien, des pièces d’un logement, des bruits -plus rarement, des odeurs -parfois, les voix des proches, un rire particulier, des « arrêts sur image » avec, de temps à autre, une séquence animée de quelques secondes… Mais si l’on soumet notre livre d’images à un frère, une sœur, qui a partagé les mêmes moments, on sera étonné de découvrir que les images sont décalées, absentes de leur magasin de souvenirs, ou avec des détails que nous avons oubliés ou enregistrés différemment…

Et que dire du calendrier ! Les dates s’entrechoquent, les repères se floutent, on se retrouve avec des incohérences que seul un raisonnement objectif permet de remettre au bon endroit…

Il faudrait, pour être sûr de ne point se tromper, tenir un agenda quotidien. Avec une photo… Agenda, pas un journal ; car dans un journal, on n’y note pas les événements « à sec » ; on y mêle aussi les émotions, les commentaires, ce qui altère l’événement lui-même et en enlève toute objectivité …

Cependant, un souvenir, bien qu’erroné, émoussé, enjolivé, ou partiellement enfoui, ne contribue-t-il pas à ce paysage mouvant et empreint de notre personnalité qui met des couleurs à notre mémoire ?

J’aime ces landes sauvages où chacun y crée son propre chemin, ces forêts de mots, de formes, de sensations où la mémoire des uns n’est pas superposable à celle des autres, mais où une image précise jailli soudain à la surface, partagée par des « ah oui, c’est vrai, je m’en souviens ! », liant, par cette connivence, une fratrie, des amis, …

Penmarc’h, 13 novembre 2018