Vietnam 2005 : Phénix, dragons, et vendeurs de rues...

Publié par Muriel Bayet

Relater nos dix jours dans le Sud Vietnam, c’est raconter les couleurs, les odeurs, le bruit dans les villes et banlieues, les millions de scooters, le fourmillement incessant des véhicules, le calme de la campagne, la nature luxuriante, les rizières, les champs de thé, les plantations de café et d'hévéas, les "nomades de l'eau" qui vivent dans des maisons flottantes, tirées par des barques, le delta du Mékong et ses arroyos, les marchés sur l'eau, la multitude de fruits et de légumes, l'encens, les baraques boutiques-logements le long des routes ou le long de la rivière, les "moon cakes" dans leurs jolies boîtes rouges, les lampions, les cérémonies traditionnelles, les temples et pagodes, les villages chrétiens, les minorités, les enfants qui fréquentent l'école et les autres, ... C'était vraiment chouette ; plus le mariage, traditionnel, devant l'autel des ancêtres de la maison de la mariée, avec la danse du dragon avant le repas du soir....

Mercredi soir, 17/08/05 - 23h40

Il y a d’abord eu l’attente à l’aéroport. Embarquement prévu porte C83 à 22h15…

22h10 : Les écrans de la porte C83, qui affichaient joyeusement « Vol AF 164 Bangkok / Ho Chi Minh départ 23h15 », s’éteignent brusquement pour se rallumer aussitôt, affichant : « Vol AF Abidjan, départ 13h30 – langues parlées à bord : français anglais »…….. Stupéfaction et mouvements d’incertitude parmi les passagers en attente d’embarquement pour la Thaïlande et le Vietnam ! Qu’à cela ne tienne, malgré les écrans fantaisistes, l’hôtesse annonce l’embarquement pour Bangkok / Ho Chi Minh dans les minutes qui suivent. On vérifie nos cartes d’embarquement et on nous remet un avertissement sur la grippe aviaire. On se retrouve en queue d’appareil, heureusement loin d’être plein. On va pouvoir s’étaler, allonger les jambes…

23h15 : L’avion prend position sur la piste. Puis c’est le roulage ; au bout d’un temps qui nous semble très long, il décolle enfin, en bout de piste. Il prend de la hauteur, palier par palier. Bon. On a encore en tête les multiples crashes qui se sont produits au cours de l’été… Les stewards nous distribuent le menu... On ne pensait pas dîner dans l’avion à presque minuit !

2h du mat. Les lumières sont éteintes, les stores tirés. De toute façon, il fait nuit au-dehors. On essuie quelques turbulences au-dessus de l’Autriche et jusqu’à la Mer Noire. Ensuite, c’est le « black-out » : je dors…

5h45, toujours heure française. Je me réveille, ainsi que d’autres passagers. Un brin de toilette et je retourne à ma place. Ça fait du bien de se dégourdir les jambes ! On a pris deux sièges chacun ; mais les accoudoirs de séparation ne se lèvent qu’à demi, et ces manchons de ferraille aux bords à angles droits nous rentrent dans les cuisses, dans les côtes, …

Autour de moi, tout le monde est maintenant réveillé. Je remonte les stores. C’est superbe. Pas un nuage. On survole l’Afghanistan ou le Pakistan, je ne sais pas, je distingue mal. En bas, c’est un désert de montagnes ocre ; surgis au milieu de nulle part, on distingue des sentiers caillouteux, traversant ce milieu hostile, passant près de quelques habitations qu’on aperçoit dans les plaines, au pied des montagnes de roc.

L’avion passe au sud de Kaboul ; je pense à la chanson de Renaud et Axel Red « Kabul Manhattan »... Au nord de Karachi, il prend la direction de Delhi. Il y a maintenant moins de montagnes, mais c’est toujours le désert…

Une odeur vaguement nauséabonde et écœurante de nouilles épicées, arrive jusqu’à moi. Je tourne la tête. Dans la rangée des sièges du milieu, tout près de moi, un asiatique se délecte d’un « Cup Noodles » ; le temps que l’eau chaude cuise ses pâtes, l’odeur a envahi l’arrière de l’avion ; d’habitude, j’aime bien ; mais à 6h00 du matin, ça pue et donne la nausée.

On survole maintenant une zone au nord de l’Inde. Le Népal ? La visibilité est moins claire. Nuages, brumes, il devient difficile de distinguer le sol.

Faisalabad. Ce nom me fait rêver ; ça ressemble aux « Mille et une Nuits ». On vire sur Lahore, au sud, en direction de l’Himalaya. Encore 4 heures de vol jusqu’à Bangkok.

On vient de passer Lahore, et on se dirige au nord de Chandigarh. Encore un nom qui me fait rêver. En bas, on distingue de longues routes, un fleuve qui semble rouge de boue. Le ciel est brumeux. Il y a quelques trous d’air. Ce doit être à cause de l’Himalaya si proche. La température extérieure est affichée à -31°C. Ce n’est pas très froid : on a déjà eu des -28°C au sol, à Maringues, l’hiver 1983 !

On passe au-dessus de plusieurs villages, gros bourgs, villes... La végétation devient dense. On a quitté la bordure himalayenne pour se diriger vers Varanasi, après Kânpur ; C’est la plaine ; on traverse maintenant une zone de fortes turbulences. Ça secoue sec. Je n’aime pas ça. Encore 3 heures de vol jusqu’à Bangkok. Pourvu que ça se calme… Dehors, c’est une armée de gros cumulus blancs qui se tiennent debout, en colonnes ventrues. On ne voit plus le sol.

Calcutta. Les images du best-seller « La Mousson » de Louis Bromfield me reviennent en mémoire… On arrive sur le golfe du Bengale. Ça secoue toujours, mais moins fort. Toujours pas de visibilité à l’extérieur. Les concrétions nuageuses sont maintenant formées en colonnes étroites, blanches, bien dessinées. Plus loin, un cumulus en pyramide inversée ; nuage peu sympa dont on ne s’approche pas. Turbulences, turbulences.

Le delta du Gange est extraordinaire. Entre les cumulus d’un blanc laiteux, on aperçoit les multiples bras qui partent en serpentant du fleuve immense et large. Vu du ciel, on dirait une salamandre.

Bangkok. Une banlieue qui s’étire avec des champs rectangulaires en un quadrillage quasi parfait. Quelques groupes de maisons identiques ; ça fait cité-dortoir. Rien de très beau. On passe ras au-dessus d’un superbe terrain de golf. Voilà la piste. On se pose en douceur et l’avion s’arrête…. à un feu de croisement (!!!) entre deux pistes. Là, plusieurs golfeurs et leur caddie, habillé en bleu et portant casquette blanche, attendent. Un faux pêcheur à la ligne est installé au bord de la pièce d’eau. Les golfeurs attendent que l’avion redémarre, puis traversent… le golf se déroule en partie sur la piste !

Les passagers à destination de Saigon ne sont pas autorisés à descendre en transit. Ainsi en ont décidé les autorités locales. Dommage ; il va falloir rester 1h30 à attendre, bon gré, mal gré, alors qu’on a envie de se dégourdir les jambes. Pendant ce temps, ils font le refueling (« Votre attention s’il vous plaît : nous demandons aux passagers de NE PAS ATTACHER leur ceinture pendant que nous refaisons le plein de l’appareil »), une équipe fait un vague nettoyage du sol, des sièges, des toilettes, pendant qu’une autre est chargée de ramasser toutes les couvertures (on est supposé ne plus avoir froid !). Enfin, les passagers Bangkok-Saigon montent et s’installent. On va pouvoir repartir.

Le vol ne dure qu’une heure, pendant laquelle on nous sert l’inévitable collation. Enfin, voilà Saigon …

Saigon, c’est différent de Bangkok. On survole une véritable agglomération, beaucoup de maisons, des bidonvilles. Le Mékong est énorme, en méandres, et ses 9 bras nous impressionnent.

18h15. On atterrit à l’heure. On récupère rapidement nos valises et on passe la douane sans encombre. Il fait déjà nuit : on est proche de l’équateur ; il fait jour de 6h00 à 18h00 et la température varie entre 23° et 35°, toute l’année.

Ils sont tous venus nous accueillir : Mary, au premier rang, Jean-Yves, Max, Minh Tri, ainsi que son frère Man, qui a pris son véhicule pour nous emmener à l’hôtel avec Jean-Yves et Mary. Les jeunes nous suivent en taxi. Jean-Yves et Mary prennent possession de leur chambre en même temps que nous. Jusqu’à hier, ils séjournaient chez Max.

Nous logeons au Huong Sen Hotel, en plein cœur du district 1, rue Dong Khoï, l’ancienne rue Catinat. Au-dehors, c’est un concert discordant de klaxons en tout genre. Ça fuse de partout ; camions, scooters, motos, voitures, rickshaws. Le klaxon sert de clignotant. Il y a des milliers et des milliers de scooters, dont certains à contresens. Une fourmilière de cyclos à moteur, passant coûte que coûte, feu rouge ou pas, traversant les carrefours et changeant de direction sans vraiment regarder ou ralentir, frôlant les voitures, les bus, ne s’arrêtant vraiment qu’au tout dernier moment, reculant même parfois pour ne pas se prendre l’aile ou le rétro du véhicule… Et au milieu de ce grouillement motorisé et continu, des piétons essayent de traverser sans se faire écraser. Ici, c’est la loi du plus fort qui sert de code de la route…

On croise un pousse-pousse cherchant le client ; là, ce sont des vélos chargés de ballots de toutes parts, chevauchés par des vietnamiennes coiffées du célèbre chapeau conique, en paille, et portant l’ao daï, l’habit traditionnel, cette longue tunique de soie, fendue très haut sur les côtés, au-dessus de la taille, et portée sur un pantalon large de soie généralement blanche. Beaucoup de marchands ambulants dont des femmes, pliant sous le poids des palanches, longs bambous posés en équilibre sur une épaule, reliant deux larges paniers en osier accrochés à chaque extrémité, et chargés de tout leur petit commerce de rue (fruits, cuisine ambulante, …).

L’air est chaud et humide ; on est en pleine mousson ; il fait moite. Installés à l’hôtel, on prend une rapide douche et on part à pied, guidés par Minh Tri, dîner dans un restaurant traditionnel. On goûte aux crêpes, rouleaux de printemps, nems, crevettes grillées, … toujours accompagnés de sauces plus ou moins piquantes et sucrées. Même dans les plats, le yin et le yang sont présents. En dessert, les fruits rafraîchis sont accompagnés de sel poivré. C’est curieux, bon, mais ça emporte la bouche, tout comme la menthe poivrée dans laquelle on a croqué tout à l’heure. Heureusement, nous buvons du thé glacé au cactus ; hummm ! Ça rafraîchit !

Balade digestive dans les rues de Saigon, autour de l’hôtel. Toutes les échoppes sont encore ouvertes. On est la proie des gosses mendiants. On flâne jusqu’à la rivière Saigon ; on passe devant des boutiques de marqueterie ; Jacques reste émerveillé devant de splendides maquettes de bateaux. Si ce n’était si volumineux, il aurait craqué, c’est sûr !

Aujourd’hui, c’est la fête des pagodes. De partout, des bâtons d’encens sont brûlés, des offrandes présentées. Le tout à même le trottoir, au pied de arbres, devant les boutiques-logements devant lesquelles les occupants dînent, jouent aux dames chinoises, au mah-jong, …

18h00, heure française ; le remontoir de ma montre est bloqué ; je vais devoir calculer chaque fois, rajoutant les 5 heures de décalage horaire avec le Vietnam. Ici, il est 23h00. Et dans les rues, il y a toujours autant de bruit, autant de trafic. On rentre se coucher. Demain, le guide vient nous prendre à 8h30. Avec Mary, on fait des projets « shopping »…

Je reprends une douche ; heureusement, il y a la clim dans la chambre. Jacques se couche devant la télé, of course, mais ne tarde pas à s’endormir. Moi, je n’ai pas sommeil. Trop d’images me trottent en tête ; j’ai envie de noter mes premières impressions. Mais comment retranscrire le bruit, le vacarme des klaxons et des moteurs, les lumières de la rue, des lampions, les odeurs qui flottent ça et là…

Je repense à ce premier repas…. Je revois la cuisine du restaurant ouverte, les clients qui passent devant, pour monter à la salle du premier. Enfin, cuisine ouverte, ce n’est pas vraiment ça : il s’agit d’un comptoir bas, très bas, même, derrière lequel les marmites cuisent sur des feux posés à même le sol. Accroupies par terre, pieds nus, des femmes font la vaisselle, passant les assiettes, bols et plats, d’une première cuvette d’eau à une deuxième…

7h du matin. On nous glisse le « Vietnam News » sous la porte. Il fait jour depuis presque une heure. Au-dehors, les klaxons n’ont pas cessé…

Vendredi 19 août

Le voyage est totalement organisé. Pas de place pour l’aventure, ne serait-ce que pour les repas. Mais comme c’est notre premier périple en Asie, c’est aussi bien. On pourra goûter plein de plats aux saveurs insoupçonnées, voir et visiter des lieux qui nous auraient été difficile d’accès, à cause du barrage de la langue ; de plus, pas question de louer une voiture ici comme on le fait dans les autres pays qu’on visite ; notre permis n’est pas valable au Vietnam. De toutes façons, vu les conditions de conduite, on serait proprement incapable de circuler dans ce maelström cyclomotorisé qui n’en finit pas de tourbillonner dans tous les sens…

La journée commence par un copieux petit-déjeuner à l’hôtel : jus de mangue frais, fruits rafraîchis (fruit du dragon, en tranches blanches piquetées de grains noirs sous une écorce rouge, ananas très fruité, papaye, pastèque sucrée et juteuse à point…), café noir, pancakes tout chauds, faits au fur et à mesure, petites saucisses, bacon grillé, petit gâteau à la noix de coco…

On a rendez-vous à 8h30 avec le guide, dans le hall de l’hôtel. David et Céline ont dû arriver à l’aéroport. Ils nous rejoindront à midi, pour le déjeuner, avec Minh Tri et Maxime. Le guide parle français. D’emblée, Mary lui explique qu’on souhaite d’abord faire des achats-souvenirs, avant de visiter la ville, les musées.

On en a discuté la veille ; aujourd’hui, c’est le seul jour complet à Saigon ; ensuite, on va voyager, et il ne sera plus possible de se faire confectionner des vêtements sur mesure, comme on l’a projeté. Minh Tri a mis un mini-bus climatisé à notre disposition pour tout le séjour.

Le chauffeur, sur les indications de notre guide, nous emmène d’abord au marché couvert de Ben Thanh. Ben Thanh, cela veut dire « embarcadère ». Autrefois, il y avait un canal à la place de l’avenue qui passe devant l’entrée principale. Ce sont les Français qui ont décidé de faire faire les travaux pour couvrir le canal et rendre le marché accessible par la route.

Le guide ne nous laisse qu’une demi-heure pour parcourir cet immense foirail couvert ; ici, on vend de tout : des chapeaux coniques en paille de riz aux fameux ao dai, les costumes traditionnels. C’est un marché vivant et coloré, traversé par d’étroites ruelles où on ne passe qu’à un seul de front, et encore, en poussant, se contorsionnant, au milieu des étals de marchandises, hélés par les vendeurs ; on passe à travers les bancs de fruits et légumes, viande, épices, biscuits, confiserie, tabac, vêtements, chapeaux, quincaillerie, articles ménagers, sans oublier les articles souvenirs…

L’allée extérieure est réservée aux « magasins d’état » ; là, les prix sont fixes et imposés ; on ne peut pas marchander. En revanche, à l’intérieur, ce sont des vendeurs privés. Jean-Yves s’en donne à cœur joie, marchandant pour le plaisir T-shirts, chemises, sacs, chaussures, porcelaines,…

Une demi-heure, c’est vite passé ; on file ensuite, emmenés par notre guide, dans un premier magasin spécialisé dans les ao dai ; je veux m’en faire confectionner un que je mettrai peut-être pour la cérémonie de mariage du matin, devant l’autel des ancêtres. Minh Tri m’a dit que toute sa famille porterait l’habit traditionnel. Rien de bien tentant dans cette boutique-là, sauf une jolie veste en soie brodée pour laquelle je craque. Le guide nous emmène dans un second magasin, bien plus achalandé, créateur de mode en vêtements traditionnels. Ici, plusieurs modèles nous plaisent. On choisit les tissus, on nous prend nos mesures... Dans 3 jours, on ira chercher ao dai, robes, sacs à main faits sur mesure aussi, en tissu et broderies assortis aux vêtements… J’achète aussi un ao dai pour Alexia. Pas facile ; les tailles vietnamiennes et françaises diffèrent ; et puis, les Vietnamiennes n’ont pas de poitrine, contrairement à nous, et ça fait une sacrée différence pour le port des vêtements !!!

Il est déjà 11h15 ; on a rendez-vous avec les jeunes à midi pour déjeuner. On profite du temps restant pour visiter la fabrique de laque. C’est beau, mais quel travail de patience ! Dix couches de laque, au minimum, chacune poncée finement après une semaine complète de séchage, sans compter les incrustations de coquille d’œuf ou de nacre… Et rien à voir avec les copies en résine, moins bien finies, au toucher non lisse… Jacques se laisse tenter par un tableau représentant le repiquage du riz dans une rizière ; pendant que nous flânons dans le magasin, les employés font la pause, accroupis sur le sol ; baguettes en main, ils déjeunent d’un bol de soupe au vermicelle, le « pho ».

12h00. Le restau est sympa. David et Céline arrivent. Ils sont fatigués par le voyage, mais ravis d’être là, avec nous. On nous apporte tout un tas de spécialités, sur de petites assiettes, des bols… Il y en a partout sur la table ; beaucoup trop, mais tout est si appétissant, tout sent si bon, c’est tentant. On goûte à tout, sans faim, par gourmandise autant que par curiosité. Céline et les garçons boivent de la bière ; Mary, Minh Tri et moi demandons un thé vert glacé. On termine par un délicieux bouillon aux ravioles de bœuf, qui à lui seul aurait suffi à nous rassasier. Puis, on nous apporte des tranches de pastèque. C’est rafraîchissant, et ça fait « glisser » le repas.

Cet après-midi, nous allons à Cholon, au marché Binh Tay. C’est le quartier chinois. Cette fois-ci, le guide nous laisse 1 heure pour parcourir le marché-dédale ; mais c’est plus que suffisant, car c’est bien plus petit que Ben Thanh et d’ailleurs, on y trouve surtout des grossistes.

Là encore, le marché couvert se divise en secteurs, sacs, cartables, vêtements, chapeaux coniques, chaussures, crevettes séchées, poisson salé, calamars saumurés, champignons, épices, riz divers, sucres de toutes sortes, blanc, bis, roux, fin, granuleux, gingembre confit dont on achète un grand sac, bonbons…

Dans les allées en bordure, le sol inégal en terre battue est recouvert par endroit de flaques d’eau putride. Grimpés dans leurs étals, les commerçants sont pieds nus, qui assis, qui couchés, parmi les marchandises, qu’elles soient de bouche ou non ; il faut dire qu’ils restent là toute la journée en non-stop, et qu’il y a tout juste la place de circuler entre les allées, à condition de ne pas avoir « la » stature américaine… alors, y mettre une chaise relève de l’impossible. Ici, dans cet espace qui ne dépasse jamais les 4m², encombré de denrées, ils y dorment, mangent, travaillent, dorment…

Après s’être retrouvés vers la statue, devant la fontaine aux dragons bordée d’un jardin de fleurs de lotus roses, on reprend la voiture, pour quelques mètres seulement. Il faut descendre, vite, vite, faire nos achats de cerfs-volants, vite, vite, pas le temps de choisir, pas le temps de demander le descriptif des cerfs-volants emballés, vite, vite, il faut remonter dans la voiture ; l’endroit est en arrêt interdit, on ne sait pas pourquoi, mais le chauffeur risque une amende…

On repart donc avec deux cerfs-volants que nous supposons être des phénix (on aurait souhaité un poisson et un dragon…). On verra bien quand les enfants les déplieront sur la plage de St-Guénolé !

On fait étape à la pagode Thien Hau ; c’est l’une des pagodes les plus actives de Cholon. Elle est dédiée à la déesse de la Mer, Thien Hau, représentée par un Phénix, symbole de la femme. On dit que la Déesse de la Mer peut traverser les océans sur un tapis et chevaucher les nuages pour sauver les bateaux en difficulté. Le toit de la pagode est souligné de superbes frises en céramiques ; à l’extérieur, elles représentent des scènes de la vie de tous les jours ; à l’intérieur, ce sont des scènes de l’Au-delà.

Plusieurs génies gardent la pagode, dont celui de la prospérité. Là, beaucoup ont déposé des offrandes. Encens, fruits, argent, vœux… Afin d’attirer l’attention de la déesse, un gardien frappe le gong à chaque don d’argent déposé dans l’urne. Dans la cour intérieure, plusieurs fours où brûlent les requêtes des fidèles, calligraphiées sur de longs rubans de papier rouge, ainsi que l’incontournable encens, en très longs bâtonnets plantés dans des urnes spéciales ou à même le sol, ou en grosses spirales suspendues sous le toit, pour se consumer plus lentement encore. Sur l’estrade principale, dans le fond de la pagode, trois statues de Thien Hau, en file indienne. A gauche de l’estrade, le lit de la déesse, rideaux ouverts ; on viendra les fermer ce soir, pour que la déesse puisse dormir… Sur la droite de l’estrade, une maquette de bateau. Un peu plus loin, la déesse Long Mau, protectrice des mères et des nouveaux-nés…

Atmosphère étrange, un peu envoûtante, lourde et sereine à la fois… Les fidèles portent les bâtonnets d’encens incandescents devant leur front et saluent trois fois, baissant la tête. Ensuite, ils les déposent dans des pots où ils continueront à se consumer. A intervalles réguliers, une femme ramasse les bâtons brûlés, et jette les restes dans un des foyers…

On a posé la question de la différence entre une pagode et un temple ; on n’a pas vraiment saisi la distinction. Notre guide tente une explication, mais ce n’est pas très clair. Je regarde mon bouquin ; on y explique que les Vietnamiens considèrent une pagode comme un lieu de culte où prier et faire des offrandes, alors que le temple serait plutôt un bâtiment construit en l’honneur d’une grande figure historique… Il faudrait avoir vu les deux pour sentir la différence…

Notre guide en profite pour nous expliquer certains caractères du zodiaque chinois, utilisé aussi par les Vietnamiens. Comme Mary et moi sommes « cheval », elle calcule les signes qui nous sont néfastes : le rat, le lapin et le coq… C’est ainsi, ajoute-t-elle, si on se trouve dans une année contraire à son signe, on doit faire des offrandes le 15ème jour du mois lunaire : pour demander protection, on plante des bâtonnets d’encens dans le sol et on y dépose les offrandes ; pour d’autres sollicitations, comme avoir la joie chez soi, on pose offrandes et encens devant le seuil de la maison, sur une tablette ou dans un autel… Maintenant, on comprend mieux le sens des offrandes de la veille, à Saigon ; c’est qu’on était le 15ème jour lunaire !...

Après Cholon, nous repartons pour Saigon district 1. On commence par une visite au musée des souvenirs de guerre. Je ne fais qu’un bref passage dans chacun des 5 pôles ; histoire, photos d’atrocités, cages à prisonniers, objets de torture… Une guerre est une guerre ; il n’y en a pas qui soit propre et je n’aime pas ce musée ; je pense que tous les musées de guerre du monde ressemblent à ces voyeurs complaisants qui s’arrêtent au bord des routes pour contempler les accidents, surtout si c’est sanglant. La morale, la prise de conscience, ça n’existe pas ; du moins pas au travers de ces musées ; la preuve : une guerre n’est pas finie que déjà on s’en va ailleurs pour y porter le malheur, la tristesse, la torture… Mary est bouleversée…

Dans le guide, ils indiquent qu’un spectacle de marionnettes sur l’eau est proposé dans une tente, au milieu de la cour de ce musée des souvenirs ; je n’ai rien vu de tel ; dommage ; cela aurait été intéressant.

Nous repartons. Bien qu’elle soit théoriquement fermée au public (il suffira de faire un don par le biais d’achat de cartes), on visite la cathédrale, en briques roses toulousaines de style néo roman, comme St Sernin, puis on visite la poste, grand bâtiment à charpente de fer et marquise de verre, dans la facture française de la seconde moitié du XIXème siècle…

Encore un arrêt vite, vite, pour faire graver mon idéogramme sur un sceau, et nous regagnons l’hôtel, le temps de prendre une douche, pour aller dîner, à 19h00, dans un restaurant coréen.

C’est surprenant : passée la porte de la salle, pieds nus, on grimpe directement sur une sorte d’estrade qui occupe toute la surface de la pièce. Au centre, à 30 centimètres au-dessus, un plateau surélevé rectangulaire, sur lequel sont posés les bols, assiettes et baguettes. On glisse les jambes dessous, et nous voilà installés. Les serveuses qui amènent plats et boissons grimpent à leur tour sur l’estrade, pieds nus, et font le tour du plateau en y déposant les plats commandés, complètement cassées en deux ! Puis elles ressortent, se rechaussent, ferment la porte… et attendent debout juste derrière, pour accourir au premier coup de sonnette.

Mets variés, couleurs, saveurs nouvelles, profusion de plats… tous hélas, garnis de piments, petits, piquants, verts et rouges, partout, partout, partout, même dans l’accompagnement des fruits du dessert…

Dehors, sur la petite place, un kapokier porte encore des fruits. C’est un arbre immense. Le guide nous explique que Saigon signifie « forêt de kapokiers ».

Le chauffeur ramène tout le monde à l’hôtel. Les jeunes rentrent. Nous, les anciens (Jean-Yves, Mary, Jacques et moi), allons flâner « rue Catinat » ; superbes boutiques pour touristes aisés ; vêtements griffés et cependant dans le style traditionnel, par des créateurs locaux, et des sacs, encore et toujours des sacs... des sacs en soie de toutes couleurs, de toutes formes, brodés, moirés, chatoyants, une vraie vitrine de sucres d’orge dans un village pour enfants sages…

10h30 ; retour à l’hôtel climatisé ; dernière douche avant de se coucher ; celle d’avant dîner a fait long feu ; dès qu’on sort, on colle de moiteur. Demain le guide nous pend à 8h30.

Samedi 20 août

Mary est patraque ; elle se bourre de pilules diverses pour conjurer le mauvais sort, mais rien y fait ; elle traînera toute la journée des frissons, accès de fièvre, maux de ventre, malgré les siestes répétées et les massages prodigués par notre guide… Dommage.

Aujourd’hui, on file à 100 km plein ouest de Saigon, à Tay Ninh, visiter le plus grand temple Caodaï construit dans le village de Long Hoa. Vu l’état des routes et les conditions de circulation, ajoutés aux limitations de vitesse, il nous faut 2h1/4 pour y arriver.

Partis de Saigon centre-ville, on traverse banlieue sur banlieue. La route n’est plus qu’un long ruban asphalté en patchwork mal ajusté, bordé de baraques-boutiques où se succèdent pneus de cycles, fruits, cercueils, alimentation diverse, meubles, vannerie, boissons fraîches, … tout un assortiment de commerces-habitats ouverts sur la route.

Plus loin, le guide nous explique qu’on traverse une zone qui n’est couverte de végétation que depuis peu ; c’est une des zones qui avait été bombardée au napalm…

Des zébus, attachés à un pieu devant des maisons en bordure de chaussée, broutent sans s’occuper des véhicules qui les rasent. Des volailles se baladent partout ; et dire qu’on nous a dit de ne pas aller là où les poules étaient en liberté ! Mais il y en a partout ! Même en ville ! Les gens d’ici disent que la grippe aviaire ne sévit pas chez eux ; possible, mais quand même… on reste méfiants.

L’asphalte est bordé d’un bas-côté boueux. Ça grouille partout ; cyclos qui débouchent de nulle part, traversent, vont à contresens, camions et voitures qui roulent à gauche pour essayer de doubler tout le monde, tracteurs en travers, cyclo-pousses chargés de clients, xe lam, ces petits véhicules à trois roues, motorisés ou pas, transportant des charges incroyables, piétons qui tentent de passer dans la cohue motorisée… un fourmillement incessant rythmé par les klaxons dont personne ne se prive.

On se demande toujours comment ils font pour éviter la collision, s’arrêtant au tout dernier moment ou se jetant dans le fossé, sur la bas-côté, se frôlant, imperturbables, sans jamais esquisser le moindre mouvement de frayeur ou de colère… Ça nous épate. Aïe, un accident vient de se produire ; on se disait bien, aussi… On évite de regarder. Un cyclo s’est fait prendre sous les roues d’une camionnette ; il n’y a plus rien à faire pour lui. Ici, personne ne porte de casque ; quant aux vêtements, ils ne protègent que du soleil… Déjà, un attroupement se forme. Personne ne s’agite ; une vie, une mort, c’est le destin…

On longe des champs. Pataugeant dans la boue des rizières, des paysans, chapeau de paille conique sur la tête, sont en train de moissonner le riz mûr à la faux, aidés par des buffles.

Plus loin, on s’arrête dans un marché de campagne ; on achète longanes et ramboutans ; Jacques en profite pour se procurer des piles : les batteries de son appareil numérique sont à plat. Des enfants le regardent et rient : il est en short, et ses mollets sont tellement poilus !

Des paysannes vendent du poisson séché, d’autres des fruits, des légumes ; il y a même un étal de boucherie, viande posée à même les planches, commerçantes pieds nus, assises en tailleur au milieu de l’étal ; curieux, on ne voit pas de mouche. Peut-être que les vendeuses sont là pour les chasser…

A côté, une autre propose des grenouilles, étêtées et dépecées vivantes. Elles sont entreposées dans une grosse bassine en plastique et continuent à faire des bonds. Beurk !

On est l’attraction du moment. Ce n’est probablement pas un endroit fréquenté par les touristes ; on suscite la curiosité, voire l’hilarité, mais c’est tout ; ailleurs, là où les touristes sont attendus, on est assailli de vendeurs à la sauvette, qui pour des massages, qui pour des cartes postales…

On grimpe dans notre véhicule où on retrouve une température qui nous semble trop fraîche ; il fait si chaud dehors, le contraste est saisissant !

Encore un peu de route, et nous voilà enfin au temple caodaï. Le caodaïsme, c’est une sorte de « nouvelle religion idéale », rassemblant bouddhisme, confucianisme, taoïsme, spiritisme vietnamien, christianisme et islam. Ouf ! Tout le monde y trouve son compte !

Le grand temple caodaï est appelé « Œil Divin ». D’ailleurs, un œil est peint en grand sur le fronton de l’entrée ; l’architecture pseudo-baroque de ce temple me dérange quelque peu. On dirait un gâteau à étages, décoré de crèmes aux multiples couleurs pastel, que l’on pourrait trouver dans les boutiques du quartier latinos de San Francisco un jour de grande fiesta… Ça a un côté factice et un look de pâtisserie douçâtre aux multiples colorants, et c’est un peu écœurant. En tout cas, moi, ça ne m’incite guère à la méditation…

On entre, pieds nus, après avoir gravi les neuf marches qui symbolisent l’accès au paradis, les femmes par la porte de gauche, les hommes par celle de droite, et on visite le temple. Au fond du sanctuaire, huit colonnes de plâtre, ornées de dragons multicolores, soutiennent le dôme représentant, lui aussi, le paradis. Sous le dôme, une énorme sphère bleue, parsemée d’étoiles, porte l’ « œil divin ».

A midi tapant, on assiste à la première des quatre prières de jour, penchés par-dessus la balustrade qui fait le tour du sanctuaire. Les femmes et les hommes ne sont pas mélangés ; il y a des prêtres en blanc, représentant le christianisme, d’autres en bleu pour le taoïsme, en rouge pour le confucianisme, enfin, en jaune pour le bouddhisme. Heureusement que notre guide est là pour décrypter et nous expliquer tout ça !

Bien qu’athée, il m’arrive parfois de ressentir une étrange vibration dans certains lieux de culte, comme un appel voilé, une invitation à la méditation… Mais ici, rien. J’ai l’impression d’assister à une scène de théâtre, une mise en place de parade masquée… Ni les percussions sur le gong, ni les chants psalmodiés n’ont d’écho sur moi. Rien, je ne ressens rien d’autre que de la curiosité et des interrogations sur ce culte-là…

Nous sortons pour rejoindre notre mini-bus sur le parking ; il faut faire le tour par derrière, la prière n’étant pas totalement terminée ; on longe le parking, où l’on prend plaisir à photographier une forêt de vélos garés, chapeaux coniques de paille posés sur le guidon, attendant les fidèles encore sur le lieu de culte…

C’est la pause déjeuner. Dans le village de Long Hoa, tout près du temple, un restaurant pour touristes nous attend. La salle du bas, c’est pour les étrangers ; la salle du haut, pour les chauffeurs et les guides ; comme partout, on ne mélange pas autochtones et visiteurs !!!

Là encore, on nous sert beaucoup de plats différents, nouveaux, servis dans de petits bols, assiettes, soupières, tous délicieux, aux arômes délicats… Les repas sont trop copieux, et la chaleur nous donne plus soif que faim ; mais toutes ces saveurs nouvelles sont décidemment bien tentantes, et on se laisse aller à goûter à tout …

Mary, qui est toujours malade, a été installée sur la terrasse, dans un hamac, avec un bol de bouillon au vermicelle de riz.

J’aimerais avoir un peu de temps libre, me balader à pied dans la campagne, vers les arbres, les plantations d’hévéas, les bananiers, arbres à pain, manguiers, cocotiers. C’est tellement dépaysant ! Partout, des paillotes au toit couvert de feuilles de latanier. Et c’est vraiment étanche, on en a fait l’expérience plus tard ! Et puis des hamacs, installés devant les maisons, sous les auvents de palme, à côté des bols de riz et de « pho », la soupe au vermicelle… En dehors des « café-hamac » où on attend le client, il y a toujours quelqu’un, allongé, endormi, dans ces toiles suspendues aux piliers des auvents. On a l’impression que le temps s’écoule au ralenti, ici ; personne ne semble pressé ni stressé…

On repart. Une heure de route plus tard, nous voici aux tunnels de Cu Chi, à Ben Dinh. Impressionnant, d’autant qu’il a plu, une pluie chaude en rideau de grosses gouttes qui s’écrasent sur le sol, le pare-brise…

Tout est humidité, boue et cloaque. Le guide nous dit que, là où nous voyons la forêt d’eucalyptus récemment plantée, c’était il y a peu encore une zone désertique où plus rien ne poussait ; les bombes, les défoliants et le napalm étaient aussi passés par là…

Dans le proche voisinage, un stand de tir de l’armée où des individus s’entraînent ; on ne le voit pas mais on entend les salves, ce qui ajoute à l’ambiance pesante qui règne ici.

Après un tour dans l’une des salles du centre d’accueil où nous voyons un documentaire-propagande, ainsi qu’une carte détaillée de la région et des tunnels, on emprunte un sentier qui conduit à la section ouverte au public. Près d’un cratère de bombe, un tank américain, béant, n’en finit pas de rouiller. On nous montre les pièges, une reconstitution de cuisine souterraine et son ingénieux système d’évacuation des fumées, les trappes d’entrée… puis on nous propose de descendre dans une galerie ; 50 mètres non éclairés, creusés dans la glaise en un boyau haut de 1,20 m et large de 80 cm… un boudin qui monte et descend, avec des marches, des angles droits, des culs-de-sac… un labyrinthe.

J’ai la chance de suivre immédiatement le guide, armé de sa torche ; je profite de la légère lumière diffuse qui traîne derrière lui ; dans le tunnel, tout est noir et silence : une tombe ; derrière moi, Jacques, Jean-Yves, Mary, David, Céline… Ils n’en mènent pas large car le pâle faisceau de lumière dont je bénéficie par intermittence ne parvient pas jusqu’à eux ; il faut marcher courbés, à l’aveuglette, les mains tâtonnant les parois de glaise qui nous entourent. Les bruits sont tellement assourdis que je n’entends même pas les pas du guide qui me précède. Et comme ça tourne et serpente, on perd vite le sens de l’orientation. On n’aperçoit même pas le jour qui doit filtrer quelque part, vers la trappe de sortie… Que c’est long, 50 mètres ! Et dire qu’ils en ont construit 250 km ! Et qu’ils y ont passé plus de 25 ans ! Ils y vivaient, dormaient, mangeaient ; outre les cuisines, il y avait même des classes, des salles de repos, avec des systèmes de pompe, pour l’eau, et une alimentation électrique dans certaines salles, sans parler des conduits d’aération…

Quatre niveaux de tunnels… Incroyable ! Enfin, la sortie. Le guide me laisse passer et retourne chercher Jean-Yves, Mary et Céline, qui sont restés loin en arrière. Quelle expérience ! Pas vraiment agréable, mais qui a l’avantage de donner un vague aperçu des guérillas, du courage et de la ténacité de ceux qui veulent libérer leur pays de ses envahisseurs…

Retour éclair à l’hôtel où nous laissons Mary, toujours malade. Puis on repart plein nord, route n°1, au village touristique de Binh Quoi situé sur une île, à 22 km de Saigon. Ce village est en fait un parc d’attractions où divers spectacles et activités sont proposés, tant pour les Saïgonnais que pour les touristes. Ce soir, on doit assister à un mariage traditionnel ; cela permettra de mieux comprendre le mariage, bien réel celui-là, qui se déroulera samedi prochain….

Au cours du spectacle, Max, Minh Tri, ses parents et son frère nous rejoignent. On dîne tous ensemble au restaurant du parc. Délicieux, comme toujours, mais trop copieux ! La maman de Minh Tri parle un peu français ; son frère, un peu anglais… On passe une excellente soirée, très sympa. De retour à l’hôtel, Jean-Yves décide de rester auprès de Mary, endormie. Jacques et moi décidons d’aller faire un tour à pied.

En rentrant, on croise les jeunes, qui attendent que les parents viennent les récupérer. Nous, on monte ; il faut refermer les valises : demain, on part pour trois jours dans le delta du Mékong. Mais à peine installés dans la chambre, « toc, toc, toc », voici Max qui nous monte un superbe panier débordant de fruits exotiques, offert par les parents de Minh Tri –pendant le dîner, on avait expliqué que nous avions découvert la saveur de fruits qu’on ne trouvait pas chez nous… Demain, pour le voyage, ce panier sera le bienvenu ; ramboutans (chôm chôm), longanes, pommes-cannelle, mangues…

Dimanche 21 août

Nous faisons la connaissance de Danh, une tante de Minh Tri ; à partir de maintenant, elle sera notre guide jusqu’à la fin du séjour. Elle parle un français chaotique, et on n’est pas sûrs qu’elle comprenne toujours ce qu’on lui demande…

C’est parti pour le delta du Mékong. De grands arbres à feuilles vert foncé, larges, épaisses, satinées, mettant en valeur de belles grosses fleurs blanches odorantes, s’épanouissent devant certaines maisons ; ce sont des frangipaniers… C’est beau !

On longe des rizières, et on s’étonne d’y voir des tombes. Danh nous explique que c’est la coutume ; dans le sud du Vietnam, la famille place le corps dans un tombeau, et il y reste pour toujours. Il faut bien choisir l’emplacement : la tête vers le coucher du soleil… En revanche, dans le nord du Vietnam, le tombeau est déplacé au bout de 2 années.

Aux rizières succèdent les parcelles de pisciculture ; ce sont les pauvres qui sont là ; ils y travaillent et vivent, dans de pauvres baraques au toit de tôle ondulée, ou en feuille de latanier. Plus loin, ce sont des champs de lotus roses. C’est splendide.

Le chauffeur a ralenti maintenant, car la police est signalée dans le secteur, et les amendes sont redoutables ; on est sur l’autoroute, pourtant, mais la vitesse est quand même limitée à 35 km/heure !!!

Sur le bas-côté, où il n’est pas interdit de s’arrêter car on longe des habitations et boutiques, des dizaines de motos attendent … que la police parte : le port du casque est obligatoire, et si on ne trouve pas le moyen d’en porter un ne serait-ce que sur les quelques mètres qui passent devant les policiers, on préfère s’arrêter plutôt que de risquer amande et confiscation de la moto. On voit des stands où sont empilés pêle-mêle casques de moto et casques de chantier jaune fluo ; tout est bon pourvu qu’on ait la tête couverte. Certains louent un casque pour quelques minutes, et vont le redéposer ensuite, quand ils ont passé le « barrage »…

Le delta du Mékong est le grenier du Vietnam. On y cultive toutes sortes de riz, dont le riz parfumé. On y fabrique aussi le vin de riz, et le saké, cet alcool de riz vendu dans des bidons en plastique ou dans des bouteilles qui ressemblent à nos bouteilles d’eau de source. Jerrycans et bouteilles sont transportés, brinqueballés sur le toit des camionnettes et bus. On aperçoit les bidons transparents du saké « des hommes », qui titre 45°. L’autre, le violet, c’est pour les femmes ; fabriqué à partir du riz sauvage, il est moins alcoolisé… Arrêt « technique » (comprendre : pause-pipi) à Mytho. On fait un tour dans le jardin au bord de la rivière, très beau, fleuri, arboré, avec un petit pont qui enjambe une pièce d’eau et son île minuscule, des cuisines en plein air, des auvents de palmier ; il y règne harmonie et sérénité… on s’achète des chapeaux de toile qu’on peut attacher sous le menton : au moindre coup de vent, ou en bateau, les chapeaux classiques s’envolent.

Pendant que Danh se régale d’un café glacé, on part ‘visiter’ les toilettes ; pouah ! on les sent de loin. Pourtant, c’est d’une propreté irréprochable ; après chaque passage, les toilettes sont nettoyées d’un coup de jet et une serpillière est passée ; non, ce qui sent, c’est le papier hygiénique… Ici, le système d’évacuation n’est pas prévu pour le papier ; une corbeille entreposée à côté de la cuvette est là pour le recueillir… et ce n’est pas vidé souvent ! Vu la chaleur, la puanteur est immédiate…

On repart. Sur le bord de la route, de grandes parcelles sont couvertes de riz mis à sécher. Ça et là, quelques longaniers chargés de fruits. La végétation devient luxuriante. Les maisons sont séparées par des cocotiers ; ils sont sans doute pauvres, mais leur cadre de vie est beau, et les cocotiers et bananiers donnent des fruits toute l’année. Plus loin, des kapokiers, mais vides de fruits.

On roule encore un peu ; nous voici dans le district de Cantho. Sur le bord de la route, ce sont maintenant de gros tas de feuilles de kapokiers qui sèchent. Ici, on fabrique les bâtonnets d’encens. C’est la spécialité de l’endroit. On s’arrête sur le bas-côté pour visiter une fabrique artisanale. Réduites en poudre, les feuilles de kapokier sont mélangées à de la colle faite de pâte de riz, dans de grands baquets en plastique, avec ou sans parfum. On y trempe de fines baguettes de bambou sec, que l’on roule dans la pâte, avant de mettre à sécher en plein soleil, sur des claies de bambou. L’opération est renouvelée trois fois, de façon à obtenir une bonne épaisseur. Ensuite, l’extrémité de la baguette qui n’est pas roulée dans la pâte à encens est trempée dans un bac de colorant rouge, obtenu à partir de fleurs qui poussent sur des buissons que l’on a croisé tout à l’heure. On ne sait pas leur nom. Les fleurs rouges ressemblent à de mini chrysanthèmes duveteux. Puis tous les bâtonnets sont mis une dernière fois à sécher en plein air. Sous l’effet du soleil, la pâte à encens perd peu à peu sa couleur sable pour prendre une belle couleur safran.

Le chauffeur nous dépose près d’un embarcadère. On va faire le tour en bateau, tandis que lui partira par la route et nous récupèrera plus loin. On grimpe à bord d’une sorte de sampan à 10 places, avec un toit de toile pour nous protéger du soleil…

Près de l’embarcadère, un homme jette des feuilles de salade dans le Mékong, tandis que plus bas, dans sa barque, une femme les récupère après les avoir triées ; on ne comprend pas bien l’opération.

On s’installe pendant que le pilote éloigne les jacinthes d’eau d’un coup de pagaie. Puis il pousse le bateau loin du quai et met le moteur. On ne va pas très vite ; on est au ras de l’eau. C’est agréable ; on sent une légère brise sur le visage, et ça rafraîchit…

Le Mékong est rouge de boue ; quand ce n’est pas la mousson, il paraît qu’il est très limpide. L’odeur de fleuve est forte mais pas désagréable. On s’arrête sur l’île An Binh où on fabrique des galettes de riz, très fines, sucrées… Hummm !! On en goûte avec délices, et on en achète un sachet, tout comme les caramels au lait de coco, un peu gras, mais si bons !...

Comme partout, l’habitation sert aussi de fabrique et de magasin. La vieille femme qui procède à la confection des galettes est impeccablement habillée, cheveux tirés en arrière. Pas même une trace de poudre ou farine sur ses vêtements… Accroupie devant le feu où chauffe une sorte de « bilig », elle verse une louche de pâte et l’étale à la spatule, fine, si fine, comme les crêpes bretonnes, la laisse étuver quelques instants sous un couvercle conique en latanier, pour soulever ensuite la galette, délicatement, sans la casser, transparente et souple, qu’elle pose à sécher sur une autre plaque tressée.

Jacques m’appelle et me désigne un meuble, dans la partie centrale de l’habitation. Il s’agit d’une armoire en bois, aux portes pleines… mais ce qui nous étonne, c’est l’ornement sculpté : des cercles concentriques, comme sur mes meubles de St-Guénolé ! Retrouver, en plein delta du Mékong, les motifs bigoudens traditionnels et une fabrication de galette comme en Bretagne, ça nous stupéfie !… On retrouvera cette même similitude dans toute cette partie du delta.

Dans la partie centrale du logement, les hommes s’occupent de la production des caramels au lait de coco, tournant sans relâche la longue cuiller de bois dans la cuve surchauffée. A côté, dans une bassine en plastique, des morceaux de noix de coco séchée. Et derrière, contre la cloison de palme, dans le petit espace libre restant, une jeune femme lave les cheveux de sa fillette, rinçant le shampoing à l’aide d’un bol d’eau puisée dans le Mékong…

Plus loin, sur Binh Hoa Phuoc, encore une fabrique de galettes, mais plus épaisses, épicées, et puis des plaques de riz soufflé, dont Jacques se régale. Et bien sûr, on cède à la tentation… Les îliens en profitent pour mettre à la vente tableaux de résine, peignoirs et pyjamas en soie, marqueterie, … Et les enfants nous suivent, « offrant » des fleurs, des origamis… et attendant la pièce !

On s’est arrêté pour déjeuner à Xẻo Maŷ. Maŷ, ça veut dire rotin. Le restaurant accueille principalement des groupes de touristes. Longues tables dressées, couvertes de nappes blanches, sous d’immenses auvents de palmiers lataniers.

On est au bord du Mékong. Derrière le restaurant, un verger et un grand jardin de bonzaïs. Dans le fond du jardin, le local de travail d’un ébéniste. Déjeuner plantureux où on nous sert les spécialités de la région : crevettes géantes, poisson « oreille d’éléphant » servi dressé sur sa nageoire ventrale, doré à point, croustillant…

Une découverte étonnante et succulente que ce poisson décoré d’herbes, de carottes en forme de fleurs… On arrache la chair du poisson avec les baguettes, puis on l’enveloppe, avec une rondelle de concombre et une fine tranche de carambole, dans une crêpe de riz que l’on trempe dans du nuoc mam... Et bien sûr, on nous apporte la soupe, et les bols de riz ; le riz, ici, est très parfumé. Un régal ! On n’a pourtant pas bien faim : outre la chaleur qui coupe l’appétit, on a dégusté galettes de riz sucré, soufflé, bonbons caramels, pommes acidulées… pendant nos visites du matin sur les îles…

On se rafraîchit le visage et les mains en utilisant l’exquise serviette roulée, chaude et humide, délicatement parfumée au jasmin, qui nous est présentée à chaque repas. Danh nous explique comment défaire un poisson lorsqu’il est posé sur le flanc : ôter les premiers filets, puis enlever délicatement l’arête centrale, et enfin prélever les derniers filets. Ne jamais retourner un poisson, surtout si on est à bord d’un bateau : c’est mauvais présage, et le bateau du pêcheur pourrait alors lui aussi se retourner…

Après déjeuner, on reprend le bateau pour rejoindre une portion du Mékong où le fleuve est très large (2 km) ; on file ensuite dans un arroyo, superbe, ombragé de manguiers, cocotiers, palmiers. Parmi les jacinthes d’eau, des troncs de bananiers flottent. On navigue dans la mangrove ; des palétuviers se dressent, racines tortueuses formant des abris pour les sampans des riverains...

Ici, seuls les petits bateaux peuvent passer. Il n’y a pas d’autres touristes ; on croise un sampan chargé de paniers de fruits. Tout est calme. Plus loin, des enfants jouent dans l’eau. Elle est à peine tiède, et ça rafraîchit…

Nouvel arrêt pour « goûter des fruits ». Sur la rive, une balle d’écorce de riz sèche, petite dune dorée qui tranche sur la couleur ocre rouge du fleuve. Dans la paillote-habitation-café-hamac, on se détend, s’allonge dans les hamacs, se désaltère d’une noix de coco fraîche dont on boit l’eau à la paille, plongée dans la cavité du fruit coupé à la machette. C’est frais, c’est bon ; pas très sucré, juste ce qu’il faut… Hummmm !...

Là encore, des enfants se baignent dans le Mékong, plongent, jouent dans l’eau en riant aux éclats. Devant les maisons lacustres, dont certaines sont construites sur pilotis, on trouve toujours un autel, tout près de la rivière. C’est pour les âmes errantes. A l’arrière de la maison, un autre autel est voué au culte des ancêtres, tandis que dans le jardin on brûle l’encens pour favoriser la production de fruits et légumes, et que dans la cuisine on demande aux génies d’être bienveillants pour la cuisson du riz…

On flâne dans la cour et l’arrière-cour de l’habitation. A l’arrière, des hommes s’activent dans la confection du riz soufflé. Les grains sont posés dans une immense cuve au fond arrondi auquel on a ajouté du sable noir. Sous l’action du feu, le sable monte à très haute température, faisant éclater les grains de riz comme du popcorn. Lorsque tous les grains semblent ouverts et soufflés, on transvase petit à petit le contenu de la bassine dans un grand tamis et on sasse jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les grains soufflés. Plus tard, ils seront légèrement caramélisés et assemblés en plaques… Jacques adore !

Dans la cour, près de la cuisine, un aquarium de poissons « oreille d’éléphant » ; à côté, un petit bassin plein de grosses crevettes. Plus loin, dans une cage grillagée, un python paresse en attendant de servir de repas…

Partout, des arbres qui nous font rêver : frangipaniers aux grosses fleurs blanches parfumées, longaniers ployant sous les fruits, pamplemoussiers aux fruits verts énormes, durianiers, papayers, bananiers…

On reprend le bateau. L’arroyo est superbe. On passe à travers une arche de végétation tropicale, feuilles géantes lustrées, de toutes tailles, déployant tout une gamme de verts, tendres, crus, profonds. Un air frais, agréable, monte de la rivière. On va jusqu’à Vinh Long où nous attendent notre chauffeur et le mini-bus climatisé.

On a à peine débarqué qu’une grosse pluie de mousson s’abat sur nous ; on sort nos ponchos de plastique aux couleurs pastel, roses, mauves, jaunes, verts… Qu’il fait chaud là-dedans !... Le vent s’est levé, et sous nos gestes maladroits, les ponchos, mal mis, se déchirent. Heureusement, on n’a que quelques mètres à parcourir avant de se mettre à l’abri, dans notre véhicule, calés sur les sièges confortables… On en est quitte pour une franche rigolade !

On se dirige sur Cantho ; mais il faut passer un autre bras du Mékong, et le pont n’étant pas encore construit, on va devoir prendre le bac… Quelle aventure ! D’abord, on descend avant la zone d’embarquement ; il faut passer une espèce de péage, traverser un « no man’s land » où nous sommes entourés de mendiants, gueux, manchots, culs-de-jatte, qui nous suivent, nous précèdent, nous entourent, s’agrippent… une véritable « cour des miracles » où on se sent mal à l’aise, traqués, un peu effrayés.

On n’a pas eu le droit de rester dans le bus ; trop dangereux ; oui, quand on voit le piètre amarrage des véhicules dans le bac, les barrières vaguement fermées par un semblant de cadenas censé empêcher les véhicules de tomber à l’eau, et encore, grilles que l’on ferme après que le bateau ait commencé à s’éloigner du ponton !… Et que dire de l’arrivée, où le bateau rouvre ses barrières avant même l’accostage. Une vague corde est sommairement nouée sur une bite d’amarrage. Peu maintenu, le bac part à droite, à gauche, bougeant sans arrêt, les véhicules passant comme ils le peuvent, visant le ponton, passant sans encombre pour les plus chanceux…

Une petite fille juchée sur son vélo prend son élan trop tôt ; le tremplin métallique qui s’abaisse en grinçant est encore à 1 mètre du sol. Elle manque tomber, ne retire que juste à temps son pied de sous la porte de fer qui finit de s’abaisser en grinçant pour s’écraser sur le ponton de ciment, tandis que la fillette rétablit tant bien que mal son équilibre et s’en va, sans que personne ne s’en émeuve…

On est sortis par la même porte que celle des véhicules. De toute façon, il n’y en a pas d’autre. On se tasse sur le côté, se méfiant des scooters qui veulent passer aussi et bousculent tout sur leur passage, se faufilant entre le flot des piétons, des cyclos, des bus et autres véhicules qui sortent du bac à grandes embardées, dès que l’abattant de fer semble se positionner en face du ponton, vite, vite, avant que le bateau ne refasse une rotation à droite ou à gauche, au gré des vagues… Un 4x4 téméraire perd sa roue de secours dans sa tentative de débarquement sportif. On le pousse sur le côté ; il faut laisser la place aux autres…

On traverse un deuxième « no man’s land » en essayant de ne pas regarder autour de nous, fuyant les regards, la misère, les mendiants, et on va attendre notre bus, qui est de la deuxième traversée, plus loin, devant un café-hamac-épicerie …

Pour se remettre de nos émotions, on plonge dans le panier de fruits. Danh nous explique que « long », ça veut dire « dragon ». Ainsi, le « longane », c’est « l’œil du dragon ». On déguste longanes et ramboutans, que les Vietnamiens nomment « chôm chôm », le « chevelu ».

Tout est symbole ; outre les principes du yin et du yang, qui font partie de la vie et de l’harmonie de tous les jours, comme dans la nourriture, où tous les plats sont un savant assortiment de salé et sucré, de chaud et de froid, on trouve des symboles dans tous les arbres, toutes les fleurs de la nature… Le roseau est symbole de malhonnêteté, alors que le bambou est son contraire, symbole d’honnêteté, on ne sait pourquoi. Le lotus, symbole de pureté, est associé à Bouddha… On a du mal à suivre ; les explications sont un peu embrouillées ; et ce qui complique, c’est qu’à chaque question, Danh, comme tous les Vietnamiens, répond « oui, oui ». Même si la question ne comporte pas de réponse « oui/non » ; même si dans la minute qui suit le « oui, oui » elle nous dit exactement le contraire… On finit pas décrocher un peu. On aimerait une explication plus carrée, plus rationnelle…

Nous voici arrivés à Cantho. C’est une véritable ville avec un petit centre, des boutiques aux vitrines à l’européenne, présentant leurs vêtements sur quelques mannequins, tous identiques. Ce soir et demain, nous serons logés au Sofitel, « le Golf », avec piscine et salon de massage… Le personnel de la réception nous accueille avec un jus d’orange frais. La chambre est assez luxueuse. Une orchidée en pot, des fruits de bienvenue (pommes-cannelle), des bouteilles d’eau, du nescafé, du thé… et les peignoirs et mules d’intérieur, en libre-service. Une douche rapide sous les jets « d’hydrothérapie », on redescend, prend rendez-vous pour un massage à 22h00, le temps d’aller dîner puis de profiter un peu de la piscine.

Danh, la tante de Minh Tri, nous emmène dans un restaurant tenu par une de ses amies, mariée à un cuistot français. La carte propose aussi bien des spécialités du coin que des potages de petits pois ou autres plats de l’hexagone. Nous, on préfère manger vietnamien ; les plats français, on connaît ! Je savoure un morceau de poisson « oreille d’éléphant » au caramel, cuit dans un caquelon de terre brute, et servi avec un bol de riz naturellement parfumé ; un régal, accompagné d’un rafraîchissant thé vert glacé. J’admire au passage la porcelaine laiteuse aux dessins bleus… Au dessert, tout le monde essaie les bananes flambées : rôties, les bananes brûlantes sont apportées dans un plat creux ; alors, on verse l’alcool de riz dans une louche en fer blanc que l’on porte sur la flamme d’un brasero. Puis l’alcool enflammé est répandu sur les petites bananes poêlées.

Dehors, il fait nuit noire. Le restaurant n’est éclairé que par quelques appliques diffusant une douce lumière tamisée. Les flammes bleutées qui vacillent dans les assiettes, c’est joli.

Ici comme à Saigon, dès que la nuit tombe, des dizaines de petits lézards gris et dodus, les geckos, envahissent les murs intérieurs des restaurants et boutiques, attirés par la lumière. Ils gobent les moustiques qui attaquent en piqué dès 18h00…

Tout à côté du restaurant et ouvert très tard dans la nuit, un magasin de porcelaine me semble bien tentant. On y trouve même ces fameux caquelons en terre qui servent pour les plats chauds, ici… Ah, souvenirs, souvenirs…

Allongé sur une natte posée à même le trottoir, un homme, torse nu, se fait appliquer des ventouses (12 !!!) sur le dos par une guérisseuse locale. Ce doit être une habitude courante ici : nous en avons croisé plusieurs portant les stigmates de cette médecine particulière…

Lundi 22 août

La chambre s’ouvre sur un petit balcon qui donne sur le Mékong. Depuis 6h00 ce matin, j’entends le bruit des sampans, chargés de fruits et légumes, remontant la rivière pour se rendre sur les marchés flottants. Ils contournent l’île qui nous fait face, se poussent pour laisser passer les gros bateaux, croisent les bacs qui font la navette entre l’île et Cantho… A cette heure matinale, le Mékong est aussi encombré que les rues de Saigon par ses scooters…

Justement, aujourd’hui, on visite les marchés flottants. Le soleil se lève rapidement au-dessus du fleuve, boule orange flamboyant qui déchire la brume matinale. De la terrasse, je fais quelques photos. En bas, sur le parking, trois adultes jouent à un jeu qui s’apparente au badminton, mais sans raquette : un objet ressemblant à un volant est lancé puis rattrapé avec les pieds ou les chevilles, relancé vers les autres partenaires, comme on le ferait avec un ballon de foot, mais sans qu’il ne touche le sol…

Départ à 8h00 pour l’embarcadère ; ici, les gens commencent leur journée très tôt, dès le lever du jour ; à 10h00, l’activité se ralentit déjà…

On remonte jusqu’à Cai Rang, le plus grand des marchés flottants du Mékong. On circule sur le fleuve, à contre-courant, longeant les maisons-pilotis. C’est marée haute, et les gens en profitent pour faire lessive, vaisselle, toilette, cuisine, se brosser les dents ; le fleuve sert de lieu d’aisances naturel…

Gonflée par la marée et les pluies de mousson, la rivière affleure le sol de l’entrée des maisons, et c’est le moment propice pour se servir de l’eau sans avoir à aller la chercher.

Poussant le long du bord ou flottant au gré des courants, des touffes de jacinthes sont censées filtrer l’eau boueuse chargée d’alluvion, de détritus, d’excréments, …

Devant les logements, les sampans sont amarrés le long de vagues pontons de branchage. Plantés dans la vase près du bord, de longs bâtons de bois délimitent un espace où sont tendus les filets à poissons et crevettes.

On arrive sur le marché. Les sampans chargés de marchandises sont alignés, amarrés les uns à côté des autres dans la largeur du fleuve, laissant des passages pour se faire accoster. Empalées sur un mât de fortune, les denrées à la vente se voient de loin. Ainsi, on repère tout de suite les bateaux qui nous intéressent : poisson, banane, durian, potiron… C’est un va et vient incessant d’un bateau à un autre, moteurs pétaradant, sampans menés par des femmes qui poussent leurs rames debout, arque boutées, barques chargées à ras bord glissant sur l’eau,…

On dépasse Cai Rang et on remonte plus loin encore, vers le petit marché régional de Bhong Bion, très typique. Là encore, les barques et sampans sont alignés, rangés en étals flottants et colorés. Les bateaux sont plus petits, le marché moins étendu. Ici, pas besoin de perche pour signaler le produit à la vente ; il suffit de jeter un œil dans les flancs de l’embarcation ; fruits, légumes, t-shirts… Danh nous explique que l’encens n’est vendu que sur les marchés terrestres. Pourquoi ? On ne sait pas !

Debout sur son sampan, une paysanne passe d’un bateau à un autre, essayant de vendre des boissons rafraîchissantes. Ailleurs, à l’abri du toit de palme, des familles mangent, bol de riz au creux de la main.

Et nous voilà empruntant un arroyo très étroit sur le chemin du retour, passant tout juste sous les passerelles de bambou qui enjambent la rivière. Végétation luxuriante… Le long de la berge, des mètres carrés de liseron d’eau ; on s’en sert de légume : cuit, ça ressemble à l’épinard.

Yin et yang

Danh nous « fait un cours » sur les préceptes du yin et du yang, du salé et du sucré. Le yin et le yang, c’est le principe de réincarnation : dans la mort il y a la vie ; dans la vie il y a la mort. Le yang, c’est ce qui est mauvais ; il représente les femmes (!!!) Et bien sûr, le yin, c’est ce qui est bon, et représente les hommes ! Cependant, il y a harmonie obligatoire entre le yin et le yang, entre l’homme et la femme ; l’un n’existe pas sans l’autre. Le yin, c’est encore la couleur foncée, le noir, la terre. Le yang, la couleur claire, le blanc, le ciel… Le yang est ce qui est chaud, comme le gingembre, le piment, etc. Le yin, ce qui est froid…

Difficile pour nous de situer ce qui est « chaud » ou « froid ». Pour les Asiatiques, ce précepte paraît évident. Du yin et du yang, on passe aux autels et génies. Danh nous explique que les autels en plein air placés devant les maisons sont dédiés au génie du ciel.

Dans la cuisine, l’autel est consacré au génie du foyer, lequel s’occupe du feu qui fait cuire le riz. Quant aux autels plantés sur les berges, ils sont bien sûr dédiés au génie de l’eau, et évitent la noyade aux enfants de la maison. Derrière la maison, dans le jardin, on trouve un autel dédié au génie de la terre. Si on y brûle tous les jours de l’encens, il donnera beaucoup de fruits et légumes.

A l’extérieur de la maison, sur le côté, on dresse un autel pour les âmes errantes. On y fait des offrandes, on y met des papiers votifs… A la pleine lune, il faut y poser de la nourriture, beaucoup de nourriture, pour que les âmes errantes n’aient pas faim et qu’elles soient contentes… Chaque bateau a son autel, à l’avant, sur le toit : le génie de l’eau protège aussi les bateaux. Ainsi, de génie en génie, tout « tombe du ciel » ; c’est ainsi, nous dit Danh, que les Taoïstes purs ne travaillent pas, attendant que les génies se manifestent par leur bienveillance !

On rentre à l’hôtel, le temps de faire une légère pause avant le repas de midi. On déjeune dans un restaurant vietnamien typique où on nous sert une fondue de poisson (attention : ne buvez pas de thé glacé car les glaçons ne sont pas faits avec de l’eau pour les touristes !...).

Cet après-midi, on va dans un village Khmer visiter une pagode. Les Cambodgiens ont occupé le Vietnam jusqu’au XVI° siècle ; aujourd’hui, il reste ça et là quelques régions peuplées de descendants khmers, de peau plus foncée que les Vietnamiens, aux traditions culturelles et habitations un peu différentes.

On emprunte une route coincée entre deux arroyos dont on aperçoit l’eau à travers les maisons alignées le long du bord. Ces maisons sont ouvertes à la fois sur la chaussée et sur l’eau. De pauvres maisons au toit de palme ou de tôle, quand ce ne sont pas des bâches en plastique… Les occupants sont là, assis sur des tabourets en plastique ou allongés dans un hamac. A l’intérieur, on distingue, posée sur une sorte de buffet bas, l’incontournable télévision trônant à côté du non moins inévitable autel devant lequel brûlent des bâtonnets d’encens…

La « route de la forêt », comme l’appelle Danh, une piste en travaux, vaguement goudronnée par endroits, défoncée partout, truffée de nids de poule… Un énorme camion s’est mis en travers ; une de ses roues s’est embourbée. Trois hommes, mains nues, essayent vainement de le sortir de là…

De cahot en cahot, on arrive tout de même à atteindre une vitesse moyenne de 30 km/h… On se dirige vers Soc Trang. « Soc », ça signifie « village des Cambodgiens » ; « Trang », ça veut dire la « lune ». Ici, on célèbre la lune tous les ans, le quinzième jour du huitième mois lunaire. C’est la « fête des enfants » ; pour l’occasion, on vend des lampions et des « mooncakes », gâteaux de riz gluant, emballés dans de grosses boîtes ventrues rouges. Pendant la fête, il y a, nous dit-on, jeux de joute entre les jonques.

En chemin, on croise des écoliers, en file indienne ou montés à deux sur des vélos, jupette ou pantalon bleu foncé, chemisette blanche et foulard torsadé rouge noué autour du cou, comme les foulards scouts. Mais ici, c’est l’appartenance aux écoles d’état, donc communistes, qui justifie le port de cet accessoire écarlate. Ces écoliers font partie des « jeunes partisans communistes ».

On traverse un village spécialisé dans la vente de reptiles « alimentaires ». Pythons et tortues sont enfermés dans de grandes cages grillagées, au bord de la route ; On s’arrête pour voir ça ; on a du mal à en croire nos yeux ! Tout le monde nous regarde ; on doit passer pour des idiots…

Il fait toujours aussi chaud et moite. On reprend la voiture climatisée et on ne s’arrête plus jusqu’à la « pagode aux chauves-souris ». C’est une grande pagode au bout d’une petite route où notre chauffeur ne s’aventure pas ; on grimpe dans des cyclo-pousse qui nous emmènent jusqu’à l’entrée principale, quelques mètres plus loin ; notre guide ne doit pas aimer marcher : on a toujours un véhicule pour nous transporter, même si c’est à côté…

On croise de jeunes bonzes vêtus de sarongs orange ou safran ; d’autres sont assis sur une terrasse sans rambarde, au premier étage de leur foyer. Des arbres aux feuilles gigantesques les cachent à moitié ; de loin, on les croirait assis sur les branches ! Les bonzes ne sont là que pour un temps plus ou moins long ; tous n’ont pas fait vœu de méditation à vie ; beaucoup sont là parce qu’ils ont échoué à leur examen de fin de scolarité ; ils resteront un, deux ou trois ans, à méditer et peut-être préparer un avenir professionnel…

On visite la pagode. Très belle, tapissée de panneaux de bois peints aux motifs naïfs et colorés, elle est relativement sombre, propice à la méditation. De gros pots d’encens sont posés, avec les offrandes, devant le piédestal où trône une imposante statue d’un Bouddha en plastique ou celluloïd, je ne sais pas. C’est étrange ; tout l’intérieur est harmonieux, tant dans les peintures sur bois que dans les colonnes torsadées ou les tentures…. Et voilà que ce bouddha détonne, objet de pacotille qu’on s’attendrait plutôt à trouver dans les lots d’un stand de tir d’un quelconque forain… Au centre, des tapis et lattes de prière.

Un bonze vient méditer ; on retourne vers l’entrée de la pagode, pour ne pas déranger. A l’extérieur, de chaque côté de la pagode, des « stupas», grandes urnes abritées par un toit en pagode, renferment les cendres des « sages ». Un grand parc entoure les bâtiments. Des arbres, très hauts, sont chargés de chauves-souris endormies ; certaines étirent leurs ailes ; on reste à l’écart, prudents ; on n’a pas envie de recevoir une déjection sur le crâne, même abrités par nos chapeaux !

Dans la cour, des poules, hautes sur pattes, courent en caquetant ; on se recule, méfiants ; le guide nous fait comprendre que la grippe aviaire ne sévit pas ici… Plus loin, trois tombeaux sur lesquels sont peintes des effigies de porc : ils sont enterrés là, vénérés ; un peu plus loin encore, une soue où les bonzes élèvent d’autres porcs, également tous vénérés parce qu’ils ont cinq « doigts » sur leurs pattes avant, au lieu des quatre habituels : ils sont censés être la réincarnation de quelque être vivant, et à ce titre, respectés, honorés. Plus tard, ils seront enterrés avec tous les honneurs, à côté des autres tombeaux.

On quitte la pagode et on reprend nos cyclo-pousse pour rejoindre le « bus réfrigéré », une vingtaine de mètres plus loin. On nous emmène maintenant visiter la pagode Kh’lem et le musée Khmer, vite, vite, parce que l’heure tourne et que tout ferme à 17h00.

Le musée se tient dans un vieux bâtiment au toit en pagode. La cour est entourée de gros frangipaniers odorants dont on ramasse les fleurs tombées à terre. Le musée est fermé ; mais le guide parlemente avec les employés, et on vient nous ouvrir. Beaucoup de photos de célébrités, des costumes anciens, des instruments de musique, des gongs, des armes, des outils pour travailler au champ, des marionnettes à fil…

On remonte en voiture (bien que la pagode Kh’lem soit de l’autre côté de la route), et on se dirige vers l’entrée principale. Quelques escaliers, encore de beaux arbres tout autour. C’est le moment de la prière-méditation ; on reste sur le « chemin de ronde », pieds nus.

Un bonze nous a vu et nous invite à entrer ; on passe la porte, en essayant d’être le plus discret possible ; dans un angle, une grosse cloche en bronze attire le regard. Il fait sombre dans le temple, mais on apprécie les fresques colorées qui ornent les parois.

On repart ; il faut rentrer à Cantho ; environ deux heures de route. En chemin, on s’arrête visiter une fabrique de saucisses chinoises, celles qu’on trouve coupées en minuscules morceaux dans le riz cantonnais. Le patron de l’entreprise est chinois lui-même. On est garés devant l’entrée, ouverte sur la route, comme toutes les boutiques, fabriques, baraques…

Le sol est en terre battue. A l’intérieur du bâtiment, travaillant à la lumière du jour venue de la route (il n’y a pas de fenêtre), des doubles rangées d’ouvrières sont à l’œuvre ; pour une fois, elles ne portent pas l’ao dai et sont simplement vêtues de pantalons et t-shirts (en général, les « usines » fournissent les « uniformes » à leur personnel).

Pas de machine ; le travail de mise en forme des saucisses, ficelles, chapelets, est fait manuellement. Pas d’eau ; pas de table ; elles sont assises sur de petits tabourets en plastique ; il fait une chaleur moite désagréable ; tout le monde à chaud. Hygiène ? Vous avez dit hygiène ?

On voit les employées travailler sans relâche ; travail à la chaîne ; parfois, l’une ralentit sa cadence pour s’essuyer le front, se gratter le pied, puis continue son chapelet de saucisses. J’ai la nausée ; je crois que Mary aussi.

Dans le fond de l’atelier, ce sont des hommes ; ils fabriquent de grandes galettes sucrées à la farine et pâte de haricots, les « gia ». Là encore, aucune hygiène, même élémentaire ; la farine est mélangée à mains nues avec d’autres ingrédients dans un récipient posé près du sol ; puis la pâte est versée dans un moule en fer au dessin de phénix, pressée à l’aide d’un couvercle, mise à sécher sur des claies à quelques centimètres du sol. Quand le gâteau est sec, il est démoulé et mis dans une boîte en carton coloré, puis porté à la vente, dans le « magasin » qui se trouve à l’entrée de la fabrique.

Nous, on n’a surtout pas envie de goûter ; mais sans compter sur Danh qui, pleine de bonnes intentions, achète plusieurs paquets de petits gâteaux fourrés à la pâte de durian… On goûtera plus tard, nous dit-elle, triomphante ; il paraît que les Vietnamiens raffolent de ces pâtisseries ; nous, l’ambiance saucisses-gâteaux-durian dans une installation qui nous répugne un peu et sous une chaleur étouffante, ça ne nous tente pas ; on dit « oui, oui » pour faire plaisir, en espérant que l’occasion ne se présentera pas.

On reprend la route. Pour une fois, on n’a rien acheté ! A l’aller, on a vu des baraques décorées de lampions et fleurs, présentés en arche devant l’entrée. Il s’agit de mariages ; on espère avoir le temps de les photographier au passage retour ; c’est coloré, gai.

Toujours à l’aller, Jacques et David ont aperçu un manège entièrement mécanique. Ce sont des animaux sculptés dans du bois et reliés à des perches, suspendues à un tourniquet. Les gosses et adultes s’asseyent et le « maître du manège » saisit une des perches, vide ou pas, et donne une impulsion pour faire tourner l’ensemble. Bonne humeur et rires assurés. On guette, pour s’arrêter à temps et faire quelques photos…

On aperçoit soudain un rassemblement silencieux devant une maison ; des gens sont assis, face à l’autel des ancêtres de la maison ; il y en a jusque sur la route. Tous portent un bandeau blanc sur le front. C’est signe de deuil ; il s’agit d’un enterrement. Ici, on enterre en fonction du calendrier lunaire, comme pour les mariages ; il faut attendre le jour favorable pour que l’âme soit tranquille. C’est un bonze, ou le fils aîné, qui choisit le jour et l’heure propices à la cérémonie. Dans ce cas, on garde le cercueil trois jours à la maison. Si en revanche, parce qu’il est victime d’un accident loin de chez lui, il faut enterrer le mort le jour même, il n’y a pas de choix. C’est pour eux que les autels destinés aux âmes errantes sont dressés un peu partout, le long des routes ou des cours d’eau.

La nuit tombe d’un coup, comme d’habitude. A 18h30, il fait nuit noire. On passe devant une baraque où se déroule un mariage, illuminée par sa guirlande de bienvenue aux lampions rouges. Trop sombre pour photographier au vol.

Le long de la route, toutes les baraques ont maintenant allumé leur poste télé couleur. Comme il n’y a pas de cloison autre que celles des murs latéraux, on peut presque suivre les émissions, passant d’un écran à un autre, comme dans une galerie « télé-vidéo-hifi »…

Avant d’aller dîner à Catho, près du marché couvert, on va prendre un pot sur le toit de l’hôtel ; il y fait lourd, malgré l’air qui balaye la terrasse…

Le restaurant est simple ; il ne semble pas réservé aux touristes de passage ; tant mieux ; on mange léger et comme toujours, c’est très bon. Arrive le dessert ; on nous apporte des tranches rafraîchissantes de pastèque ; on adore ; elles sont sucrées, goûteuses et désaltérantes à souhait. On nous apporte aussi les fruits restants dans notre « panier de route ». Ça commence à faire beaucoup ; on n’a déjà plus faim. Mais comble de malchance et grosse rigolade : voilà que Danh sort de son sac, tel un magicien faisant apparaître un lapin de son chapeau, un paquet de « gia »… ces fameux biscuits qu’on a vu fabriquer tout à l’heure… Ceux-ci sont faits de pâte de haricot, sucre, durian, et comble de plaisir gustatif (pour les Vietnamiens car hélas, notre palais est habitué à des goûts fort différents), au centre de chaque biscuit, un œuf de caille…

Bien que chacun se récrie en disant qu’on a déjà vraiment trop mangé, Danh fait la sourde oreille et annonce gaiement que c’est une succulente friandise et qu’il faut absolument goûter ; elle partage donc les biscuits en petits morceaux… Aïe ! Difficile d’y échapper sans avoir l’air malpoli. Jean-Yves tousse pour masquer son dégoût et son envie de vomir. A notre bout de table, c’est le fou rire. Je croque un mm² et cache le reste sous une écorce de ramboutan. Ça pue, à cause du durian, et on trouve ça franchement mauvais. En plus, me reviennent en mémoire les pieds sales de ceux qui fabriquent les biscuits (ils marchent pieds nus)….

Le marché est déjà fermé, et on retourne à l’hôtel ; je m’arrête en chemin pour acheter 5 bols à riz et 5 caquelons (45.000 dôngs en tout, soit 3$ !!!). Jacques a déjà filé à l’hôtel se faire masser… Il y prend goût ! Mary et moi allons nager ; l’eau de la piscine est fraîche ; ça détend ; on est seules dans l’eau éclairée par des lumières tamisées indirectes. Il y a des plantes ; c’est chouette. Demain, retour à Saigon…

Mardi 23 août

On fait une première halte à la ferme des serpents ; on y élève quelques pythons, mais surtout le maximum d’espèces venimeuses afin de récolter le venin nécessaire à la fabrication de sérums et vaccins : cobras, crotales, serpents verts qui se confondent avec le feuillage des arbres où ils vivent... tout un peuple reptile élevé selon les espèces, dans des espaces arborés entourés (heureusement !) d’une enceinte infranchissable…

Dans une cage-couveuse, des bébés crocodiles âgés de 3 jours ; on dirait des têtards ! Intéressant, mais rien de transcendant.

A la sortie de la ferme, des stands vendent de « l’alcool de serpent », des ceintures et pochettes en peau…

Danh met à profit le voyage retour, où l’on s’arrête très peu, pour nous parler encore de la légende du dragon, « long », que l’on retrouve dans beaucoup de noms de lieux, au Vietnam : - « Vinh Long », le canton où nous nous trouvons : l’endroit où le dragon (long) se repose éternellement (vinh) - « Long Shyen », la frontière entre le Cambodge et le Vietnam : là où le dragon traverse le Cambodge pour le Vietnam - « Long An », la province de Saigon : là où le dragon se repose… Le dragon, sa femme et ses 7 enfants se jettent en mer de Chine : ce sont les sept bras du Mékong…. D’ailleurs, « mé » signifie « mère » et « kong » signifie « enfant ». La mère représente l’eau et l’enfant représente la terre… La terre fertilise l’eau qui donne ses alluvions à la terre. C’est un cercle sans fin…

Le canton de Vinh Long a eu ses célébrités :

- Bokassa, le Centrafricain, s’y est marié avec une Vietnamienne du canton.

- A Sadec, le « marché des ferrailles », village du canton de Vinh Long, l’école primaire a eu comme élève Marguerite Duras… Et Danh n’est pas peu fière de nous dire qu’elle a fréquenté la même école primaire !

Cantho et Vinh Long sont deux provinces séparées par le Mékong ; on le traverse par le « Pont de Normandie »…. Appelé comme ça parce qu’il ressemble au pont français… La pause déjeuner se fait au même endroit que « l’arrêt technique » de l’aller. On a la chance d’être installés en bordure de rivière. C’est calme. Les toilettes, au loin, sont toujours aussi malodorantes dès qu’on s’en approche, mais de la terrasse où nous sommes, aucune odeur nauséabonde. On profite ainsi pleinement du repas : un dernier poisson « oreille d’éléphant », de grosses crevettes, … un régal…

Le long de la route, on voit de gros tas de crevettes séchées : 1 kg, ça correspond à 3 kg de crevettes fraîches. C’est bon à savoir, quand on veut cuisiner !

On longe des rizières et encore des rizières, où des aigrettes s’en donnent à cœur joie : les champs sont truffés de crevettes dont elles se régalent…

Plus loin, dans de gros paniers, des jujubes ; dans d’autres, tentatrices et disposées en petites collines, de mini pommes vertes un peu acidulées, comme celle que j’ai goûtée sur l’île de Bihn Hoa Phuoc…

On fait un nouvel arrêt dans un café-hamac typique, où on se régale, une fois de plus, d’une noix de coco taillée à la machette. Enfin, nous rentrons à Saigon, retrouvons notre hôtel pour une nuit seulement, car demain, on repart pour trois jours, mais dans la montagne, cette fois.

Pendant que les hommes vont chez le tailleur, Mary et moi prenons le taxi pour essayer nos robes et ao daï. Mal nous en prend : d’abord, la boutique est tout près de l’hôtel, ce qu’on ne soupçonnait pas, et le taxi décrit des méandres pour allonger le trajet ; et puis, bien que « 15.000 dôngs » s’affichent sur son écran, il rejette mes billets avec colère, disant que c’est « 150.000 dôngs » pour la course ! On n’arrive pas à s’entendre ; avant d’aller quérir la vendeuse de la boutique, pour qu’elle puisse nous défendre, je demande insidieusement au chauffeur « combien de dollars ? » et lui, pris de court, répond « deux dollars » ; alors, je lui donne 30.000 dôngs, ce qui est encore trop pour sa course, mais qui correspond aux 2$...

Ce n’est pas notre soirée : les robes ne vont pas ; le guide du lundi a donné une mauvaise explication de ce qu’on voulait (sans doute avait-elle mal compris elle-même) ; et on est furieuses, parce que les vendeuses parlent anglais, et qu’on en a assez que nos guides s’intercalent toujours pour « traduire » ; nous, on préfèrerait avoir la paix et se débrouiller toutes seules ; sans intermédiaire, les choses vont souvent beaucoup mieux !

La vendeuse de la boutique voit bien que le malentendu ne vient pas de nous ; charmante, elle propose de refaire tout le travail ; ce sera prêt vendredi soir ! On suppose que le guide n’aura pas la commission escomptée (on s’est aperçu plus tard que les guides avaient des commissions sur les achats faits par les clients qu’ils amènent). On lui raconte notre mésaventure en taxi ; elle n’est pas contente ; les taxi-voleurs, ça donne une mauvaise image de sa ville, et elle n’aime pas ça. Elle nous indique le chemin à suivre pour arriver, à pied, au marché de Ben Thanh, tout près, où nous avons rendez-vous avec Jean-Yves et Jacques.

On est un peu en avance, et on en profite pour s’acheter un pantalon « vietnamien », en tissu infroissable, léger, qui ne colle pas à la peau malgré la chaleur… Quand elles ne sont pas vêtues du fameux ao daï, les femmes portent ce genre de pantalon, facile d’entretien et fort agréable à porter. Les courses avec Mary, c’est sympa. A deux, on rigole bien, et ce n’est pas si souvent qu’on est ensemble !!! Et puis les hommes arrivent, et on achète des valises (pour transporter les souvenirs !), et des pots à encens, en porcelaine, qu’on laisse à Jean-Yves le soin de négocier.

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Céline. Minh Tri a réservé au « château », restaurant colonial qui fut un des « hauts lieux » des Français, en leur temps…

A l’étage, où nous sommes installés, un antique piano désaccordé prend vie sous les doigts d’un vieux musicien ; il joue des airs anciens, des chansons populaires françaises ; c’est un peu émouvant… Les plats servis sont très colorés, artistiquement décorés en phénix et dragons. Et comme toujours, c’est vraiment bon !

Max et Minh Tri ont apporté un gâteau, dans une grosse boîte très colorée ; les gâteaux d’anniversaire, ici, ce n’est pas habituel. On quitte le restaurant, chacun avec un paquet rouge dans la main : le cadeau du « château » à tous ses clients ; bien sûr, on n’ouvre pas ; on attend d’être dehors. Il s’agit d’une paire de baguettes et d’un support-dragon en porcelaine bleue ; je suis ravie !

On rentre avec notre bus, tandis que Mary, tout sourire, monte sur le scooter, derrière Max…. Au Vietnam, pour 800.000 voitures, on trouve 12 millions de deux roues ! Ça explique le flot incessant et ininterrompu dans toutes les artères des villes !!!

Mercredi 24 août

Ici, ils ont la manie de mettre de gros glaçons partout, dans toutes les boissons. Alors, comme j’avais soif ce matin dès mon réveil, j’ai demandé, au petit-déjeuner, un verre d’eau en précisant « pas de glaçon »… très gentil, le garçon est allé m’en chercher un, présenté sur un petit plateau… Le verre était brûlant, rempli d’eau chaude !!!

David et Céline sont restés à Saigon. Nous, on continue pour trois jours sur Dalat, en montagne.

On se trouve en « Cochinchine », dans le village de Bienhoa, célèbre pour ses céramiques. Ici, beaucoup de Tonkinois catholiques ont immigré ; ça explique le nombre impressionnant d’églises. Les maisons « bourgeoises » sont tout en hauteur, colorées sur leur façade avant, avec une terrasse au dernier étage ; cette terrasse est immanquablement « ornée » d’une immense statue de la Vierge ou d’un Christ en croix. Et le long de la rue, toujours ces maisons-échoppes, proposant des statues, des cercueils, des moon cakes dans leur belle boîte rouge, et aussi, un peu partout dans ce village, des vendeurs de « pain français » !

Notre arrêt technique se fait dans une immense cafeteria, très vietnamienne. On en profite pour siroter thé, café glacé, coca. Les toilettes nous réservent une surprise : alignées dans un bloc, les « cabines » portent toutes un numéro…. Mais les portes, quand elles existent, ne ferment pas ! C’est vrai qu’ici, les coutumes sont différentes, et qu’on ne se cache pas… On est un peu gênées, mais comme on est seules, Mary et moi, on se dépêche avant que d’autres personnes arrivent !

On traverse maintenant Gia Kien, la « ville aux églises » ; il y en a partout. Et bien sûr, sur les balcons des palaces particuliers des riches catholiques, encore de gigantesques Jésus et Marie.

La rue est pavoisée de drapeaux nationaux : une étoile jaune à 5 branches sur fond rouge, faucille et marteau entrecroisés, jaunes, toujours sur fond rouge… Danh nous explique les symboles du drapeau : le rouge représente le sang versé pour l’indépendance ; quant aux cinq branches, il y en a une pour chaque groupe représentant la société : ouvriers, paysans, intellectuels, commerçants, militaires….

Un autre bras du Mékong ; nous sommes à Dinh Quan, un village de pêcheurs au bord de la rivière Lan Ngha ; les maisons sont construites sur pilotis, tout au bord de l’eau. D’autres maisons sont carrément sur l’eau, posées sur des barges juste à leur taille ; couvertes de latanier ou de tôle ondulée, elles sont ouvertes sur l’eau. Sur le flanc, un enclos grillagé pour élever des rougets. Sous la barge, le parc est réservé aux poissons-chats. Une trappe au milieu de la maison permet de « pêcher » le poisson directement dans la réserve. Ces pêcheurs et leur famille ne sont pas sédentaires ; on les appelle les « nomades de l’eau ». Ils vont et viennent, en fonction des courants, de la marée, du déplacement des bancs de poissons. Les habitants de ces pauvres logis possèdent une barque, laquelle tire un sampan, lui-même remorquant la baraque sur l’eau…

On entend de la musique dans les rues : Danh nous explique que la radio est diffusée dans les villages, de 5h du matin à 5h du soir…

Plus loin, on retrouve les résidences des riches : jolies maisons étroites, construites en hauteur, avec la particularité de n’avoir pas de fenêtre sur les façades latérales qui restent en ciment brut, contrairement à la façade avant, très ouverte, avec loggia, balcon, terrasse, et largement peinte et décorée de motifs floraux ou géométriques...

Nous traversons maintenant le parc national de Naon Caddiem. La route est bordée d’une forêt de teks dont les fleurs sont à l’origine d’un miel abondant et goûteux. Eléphants et rhinocéros, dont certains unicornes, habitent la forêt ; nous, on n’en verra aucun.

Plus loin, on traverse un village aux petites maisons très simples, basses, construites en planches de tek ramassé dans la montagne. La plupart des fenêtres sont sans vitre, mais une fine grille de fer forgé en motifs floraux colorés sert autant d’ornement que de paravent. Parfois, des motifs sculptés à plat dans le bois décorent les façades. C’est peut-être pauvre, mais c’est joli.

A « l’arrêt-technique », un peu plus loin, dans une baraque-boutique du bord de la route, on achète des mangoustans, des graines de tamarin séchées, des bananes coupées en lamelles dans leur longueur, séchées et frites… Hummm !!!!

Des mobylettes arrivent, chargées de très gros paniers harnachés de chaque côté de la selle, remplis plus qu’à ras bord de gros durians. Les livraisons ont lieu toute la journée. Sur un étal, à côté des durians, des fruits qui leur ressemblent, mais un peu moins gros et plus lisses : ce sont des jacques…

L’étape-déjeuner se fait à Lien Do, dans un restaurant pour touristes, encore une fois. On y déjeune à l’étage ; le rez-de-chaussée est réservé au chauffeur ; on ne l’invite plus à notre table ; chaque fois qu’on l’a fait, on l’a gêné plus qu’autre chose ; lui, les mets raffinés qu’on nous sert, il n’en veut pas vraiment ; ce qu’il préfère, ce sont ses bols de riz quotidien… et être tranquille !!! De plus, il ne comprend ni le français, ni l’anglais…

A l’étage, on nous sert encore des plats aux saveurs nouvelles ; comme d’habitude, tout est apporté en même temps sur la table, et c’est encore une multitude de petits bols, assiettes, plats, une féerie des couleurs… Cette fois, comme on est déjà en montagne et que l’endroit est giboyeux, on nous sert du chevreuil ; les hommes se régalent ; avec Mary, on préfère les légumes…

La région est couverte de champs de théiers et caféiers, introduits par les Français lors de la colonisation. On s’arrête peu après déjeuner dans un centre de dégustation-vente. On nous offre une tasse de café arabica, parfumé, et du thé au jasmin et au lotus. Les arômes tentateurs sont une invite à en faire l’achat. J’achète même du thé à l’artichaut, si doux, qu’on ne trouve pas chez nous… Derrière la salle de dégustation, l’atelier, où on met le thé en sachet, puis les étiquettes, puis l’ensemble dans des boîtes cartonnées… Tout est fait manuellement, bien entendu…

On a prévu de visiter les chutes de Dambri. Ce n’est pas vraiment sur la route, mais ça vaut le détour. Après la bifurcation, la route, en travaux, se transforme bientôt en chemin étroit de terre grasse et rouge. La terre, sèche, vole en poussière sous le passage des véhicules et je regarde avec compassion le linge étendu à sécher sur des cordes à côté des baraques, en bord de route.

Il fait encore très beau ; le chauffeur conduit vite ; et s’il se presse, c’est pour ne pas être pris dans un orage de mousson ; ici, la pluie de mousson ne tombe que l’après-midi ; je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça… Si la pluie se met à tomber, violente et drue comme toujours à cette époque, la route se transformera en bourbier impraticable, et nous seront coincés là, jusqu’à ce que ça sèche. Le mini-bus est lourd…

On longe encore des champs de caféiers, puis des champs de mûriers à soie. Danh explique que le ver à l’intérieur du cocon se mange… Heureusement, ce n’est pas la saison, parce qu’on n’a pas vraiment envie d’y goûter.

Encore des champs de thé ; ici, on fait la cueillette. Le thé se ramasse trois fois par mois : d’abord, on cueille les bourgeons, c’est le meilleur thé ; ensuite, ce seront les feuilles encore jeunes, puis enfin, pour les pauvres, le thé de troisième catégorie sera préparé avec les vieilles feuilles au goût âpre… On comprend mieux maintenant : tout à l’heure, à l’arrêt dégustation, on a acheté des paquets de thé dont le prix allait du simple au double ; le vendeur ne voulait pas nous donner le moins cher ; il nous a fait comprendre que c’était du « thé pour les Vietnamiens ».

La cascade est belle ; l’endroit est agréablement ombragé et on ressent un peu de la fraîcheur venue de la bruine qui entoure la chute d’eau.

On ne reste pas longtemps. Après avoir franchi un pont de singe branlant aux planches disjointes, on fait un petit tour à dos d’éléphant, « pour le fun » –et c’est une sensation vraiment bizarre, si haut perchés, avec cet éléphant gourmand qui s’arrête pour arracher de jeunes pousses de bambou, rejetant les plus vieilles… (un bambou urticant, qu’on s’abstient de toucher !…) et lorsque arrivés vers le parking où nous attend le chauffeur, l’éléphant se met brusquement à genoux pour qu’on puisse descendre, on n’est pas très fiers…

Pendant notre balade, le ciel s’est brusquement chargé de lourds nuages qui s’obscurcissent dangereusement ; des éclairs zèbrent le ciel, dans le lointain. On se presse de remonter en voiture, et le chauffeur fonce sur le chemin de terre ; tant pis pour les cahots ; il ralentit juste pour passer les trous et ornières trop profonds, ralentit encore pour passer malgré la pelleteuse qui barre à moitié le chemin, et ré-accélère ; les éclairs se sont rapprochés et illuminent le ciel maintenant complètement noir ; le tonnerre gronde. Il faut arriver à la route.

Enfin, nous voici arrivés à l’embranchement avec la route goudronnée ; on reprend la direction de Dalat quand la pluie se met à tomber, drue, grosses gouttes s’écrasant en rideau blanc, si blanc qu’on ne distingue qu’avec difficulté la route devant soi ; le chauffeur cherche un abri de fortune, mais il n’y a pas d’endroit pour s’arrêter ; alors, il continue, penché sur son volant, cherchant à percer le rideau de pluie et de grêle. Ça tambourine sur la carrosserie, résonnant d’un bruit mat sous les impacts des gouttes. La route se couvre rapidement d’une eau boueuse qui dévale la pente ; les maisons pataugent dans l’eau ; les orages de mousson, ça inonde tout en un rien de temps ; on imagine sans peine quel aurait été notre épreuve si la pluie avait éclaté un quart d’heure plus tôt….

L’orage dure 20 minutes ; 20 longues minutes de déluge angoissant. Puis, brusquement, comme elle a commencé, la pluie s’arrête, d’un coup. On est surpris par le soudain silence. Des torrents de boue traversent la route…

Quý Khách. Ici, les maisons en bordure de route sont, pour une fois, en retrait, avec d’abord, contre l’asphalte, un mini-potager, puis une avant-cour contre la façade avant. Ici aussi, les maisons sont construites sur d’étroites parcelles qui partent en profondeur ; elles ont ainsi toutes pignon sur rue, mais quelle exiguïté ! La façade avant est toujours aussi colorée, décorée, mais les côtés sont en ciment brut, avec très peu d’ouvertures, quand elles en ont !

Les jardinets sont verts. Tout est vert. On l’a constaté ; c’est vert partout : sur les rizières, dans le Mékong, les forêts, ici… C’est vert, vert et encore vert… Et le contraste est d’autant plus fort avec la terre rouge, celle qui colore le Mékong ou la rivière Saigon, celle des chemins, des routes en travaux, de la boue déclenchée par la pluie...

Le café, importé par les colons venus de France, est devenu une denrée marchande prisée… et les Vietnamiens sont grands consommateurs de café glacé… Devant la plupart des maisons, des piquets soutiennent des caféiers. Ces plants sont précieux ; contrairement au thé, il n’y a qu’une seule récolte par an ; mais il faut du temps avant que ça donne : après la plantation, il faut d’abord attendre 5 ans au bout desquels on jette la toute première récolte, car celle-ci est de faible quantité et de piètre qualité ; il faut attendre la seconde récolte, l’année suivante pour que les baies soient nombreuses et de grande qualité. Les baies mûrissent lentement, grossissent, deviennent rouges… A l’intérieur de l’écorce, deux petites graines jumelles, brun clair, en vis-à-vis : ce sont les grains de café….

La route grimpe maintenant, assez fort. Elle est étroite, et chaque virage en épingle à cheveu nous découvre un temple, une pagode, une chapelle, avec des fleurs et des statues, pour rappeler les personnalités qui se sont tuées sur cette route et protéger ceux qui l’empruntent…

Si cela nous rassure peu, nous ne sommes cependant guère étonnés. Cette route, unique, est empruntée par des camions fous, doublant même dans les virages serrés, sans visibilité, doublant quand il n’y a pas la place de tenir à deux de front, tant pis pour les piétons, les vélos, etc., ils n’ont plus que la solution de se jeter dans le fossé ou se plaquer contre une maison, une clôture…

En plus des camions fous, il y a les cyclos, toujours plus pressés, toujours plus chargés, voulant coûte que coûte aller déposer leur chargement le plus rapidement possible avant d’aller en quérir un autre, et les scooters, sans casque, bien sûr, qui essayent de se faufiler en accélérant… On croise même un vélo en bois, comme ceux qu’on voyait pendant la guerre du Vietnam…

La nuit est tombée depuis longtemps lorsque nous arrivons à Dalat. Le chauffeur est épuisé. Il nous dépose à notre hôtel, un hôtel rétro, style colonial, charmant. Les chambres sont petites mais l’ensemble est sympathique, chaleureux… Une douche, et on se retrouve au bar, avant d’aller dîner en face, au « Café de la Poste », où les clients de l’hôtel vont aussi y prendre leur petit-déjeuner.

Là encore, décor rétro et ambiance « coloniale », avec des chansons françaises diffusées du matin au soir… Piaf, Trenet, Bourvil, et parfois une chanson plus récente, mais dans le même style, et toujours en français… Quant aux serveuses, elles sont habillées de robes dont le tissu rappelle les tenues provençales. Le dîner est encore une fois largement trop copieux mais toujours aussi raffiné, avec ses mélanges de légumes colorés, mûrs, goûteux, les soupes, les croquettes de poisson, le riz, les salades,…

Trop copieux ; on est restés en voiture pratiquement tout l’après-midi ; on n’a pas faim… Et puis, c’est toujours un peu tôt, pour nous, et on n’a pas le loisir de manger à notre rythme ; il faut toujours aller vite, en mettre dans son assiette et vite manger puis en remettre encore ; si on prend le temps de faire une pause entre deux bouchées, Danh pousse vite quelque chose d’autre dans le bol, la soucoupe, …

On décide d’une petite balade digestive. On aimerait bien flâner « à notre aise », comme disent les Belges, et aller où bon nous semble, mais Danh décide de nous accompagner et de jouer les chefs scouts… Flûte ! Elle est gentille, mais les Français aiment leur liberté, c’est comme ça ! Alors, on peste un peu entre nos dents, pas trop fort quand même, car c’est la tante de Minh Tri, et on ne veut pas vexer la famille…

En face du « Café de la Poste », il y a ladite poste, qu’on n’aura pas le temps de visiter, et la fameuse « Tour Eiffel de Dalat », scintillante sous ses petites ampoules rouges qui parcourent son ossature. Dalat, c’est le « petit Paris », la « ville des amoureux », comme on le dit au Vietnam…

On descend vers la lac ; l’air est doux ; il n’y a pas cette moiteur qu’on trouve à Saigon ou dans le delta du Mékong ; le ciel est plus pur, ici. Mais s’il y a moins de scooters, ils roulent toujours dans tous les sens, ça, ça ne change pas…

Sur le flanc de la colline qu’on vient de descendre, des immeubles un peu délabrés devant lesquels une immense pancarte lumineuse allume et éteint ses ampoules blanches, orange et bleues, au rythme de la publicité « Tiger Beer ». En bas, de l’autre côté du pont qui enjambe la retenue d’eau, la vieille ville commence, avec son marché du soir, animé, coloré, avec des montagnes de fruits, de légumes, de riz, sucres, confiseries, fruits séchés, noix de cajou, …

Sur le trottoir, un « réparateur de vélo » en tout genre ; plus loin, de vieilles femmes attendent près de bouteilles plastique ; je pense qu’elles vendent de l’alcool de riz, mais non : ce sont des bouteilles d’essence pour les cyclos…

Un immense escalier part de la petite place, au centre du marché. Il rejoint une deuxième rue, que l’on traverse, puis une troisième. On a envie de partir à gauche, mais Danh décide qu’il faut prendre à droite, et redescendre en direction de l’hôtel… où elle arrête notre heure de réveil du lendemain, demandant à la réception de nous faire réveiller à 6h1/4. Ce n’est pas l’heure qui nous gêne ; mais on a envie qu’elle nous fiche la paix ; on a envie de décider nous-même de ce qu’on veut faire ou pas, de notre temps, ne serait-ce qu’à l’hôtel !... Mais non, elle est toujours là, prête à intervenir, se mêler des conversations privées… Pas moyen de discuter tranquillement ; ça use les nerfs.

On prend congé, et tandis que Jacques, qui y a pris goût, va se faire masser, Mary et moi allons nous défouler 20 minutes sur les tapis de course de la salle de fitness… Re-douche. Ça fait du bien ! Il n’y a pas de clim dans la chambre ; c’est inutile : la nuit, la température « descend » à 15°C. Chouette ! Un sommeil qui repose…

Jeudi 25 août

Ambiance « parisienne » oblige : au petit-déjeuner, le « Café de la Poste » propose des viennoiseries, du pain français, du pain de mie à toaster, sans pour autant oublier le riz gluant, les haricots, saucisses, bacon, œufs, … ni les fameux fruits frais en tranche, ananas, papaye (agréable en jus de fruit mais pas terrible à croquer !), fruit du dragon, ainsi que les excellents yaourts maison, natures et légèrement sucrés… .

La journée commence par une agréable balade en calèche autour du lac. C’est un moment de repos ; il fait très beau ; le ciel est d’un bleu pur, mais le soleil ne tape pas encore trop fort. Le lac est paisible. On est bien.

Pendant que Danh va chercher les autorisations nécessaires à la visite du village des Lat, on se balade au marché de jour, si animé, coloré. Dalat, c’est la ville des fleurs, des fruits, des légumes. Ici, une des spécialités est le coulis d’avocat sucré, servi très frais, avec des cubes de glace, dans de grands verres, avec une paille… Curieux et délicieux à la fois…

Les Montagnards sont là, descendus vendre leurs produits, fruits, légumes, fleurs. On achète des bulbes d’orchidée auprès d’une vieille paysanne qui en présente une variété incroyable ; on lui achète aussi un peu de ce terreau spécial, léger, qui facilite leur pousse, ainsi qu’une mousse hémostatique, parasite de branches sèches. Un gamin vend des livres à la sauvette, moitié prix que sur le marché officiel ; pourtant, ce sont des livres neufs et d’éditions récentes ; contrefaçons ? Sur les conseils de Mary qui l’a déjà lu, je lui achète « A quiet American », de Graham Green…

Danh nous presse de rejoindre notre bus ; nous avons eu les autorisations pour visiter le village de la tribu des Lat, dans la montagne. Pour cela, Danh a sorti sa carte de « guide d’état », accrochée à un long ruban rouge attestant de son appartenance au Parti. Avec nous, on nous envoie un second guide, qui parle anglais, celui-là ; un jeune, très sympa, qui fait partie d’une autre ethnie minoritaire, et qui nous raconte un peu l’histoire de la région, les coutumes, etc…

Les Lat ont un régime matriarcal ; on y achète les maris, qui sont propriété à vie de la famille de l’épousée.

On passe une barrière de contrôle. Nous voilà dans la « zone protégée », un peu comme les réserves indiennes, sauf qu’ici, ce sont les autorités gouvernementales qui ne laissent pas la libre circulation.

Arrivés au village, le chauffeur nous dépose. On commence par acheter quelques bonbons et sucettes, sous l’insistance du guide, bien que personnellement, je ne trouve pas que ce soit une si bonne idée que ça. Il les distribuera tout le long aux gamins rencontrés, faisant fi des problèmes qui en résultent : les caries, d’abord, puis l’apprentissage de la mendicité….

Curieusement, les Lat ne ressemblent pas aux Vietnamiens ; ils ont la peau beaucoup plus foncée, les yeux plus ronds, les cheveux moins fins et d’un noir plus profond… Habillées de jupes foncées, longues et larges, en grosse cotonnade, les femmes ont des chapeaux de laine colorés ; elles portent leur bébé à l’indienne, dans le dos, assis dans des couvertures de laine nouées sur la poitrine de leur mère. On se croirait en Amérique centrale !

On visite une habitation traditionnelle, basse, tout en bois, au sol en terre battue, aux ouvertures rares, décorées de bois sculpté ou de fer forgé aux motifs floraux colorés. Dans un coin de la cuisine, un brasero à même le sol, supportant une marmite. On n’est pas dans un village créé ou reconstitué pour les touristes ; on visite des maisons habitées, utilisées chaque jour…

L’ouverture aux visiteurs, c’est l’assurance d’un « pourboire ». Dans la ruelle de la maison, une vieille femme est assise à l’ombre du toit. Ses oreilles pendent sur les épaules ; c’est dans la tradition : on accroche des boucles de plus en plus lourdes jusqu’à ce que le lobe, déformé, se pose sur l’épaule ; c’est une question de coquetterie ! Elle tend la main, habituée à recevoir un petit billet par les touristes de passage.

On entre dans la pièce principale ; plancher de bois rustique, gris. Dans un coin, quelques vêtements sont entreposés. Les gosses jouent dehors, au milieu des poules. Dans la cour, les cages à coq de combat sont vides. Caféiers et arbres fruitiers entourent l’habitation. De l’autre côté de la piste terreuse, une jeune femme fait sa lessive dans un bac en fer, accroupie sur le talus, son bébé dans le dos. Se sentant observée, elle lève sur nous un regard surpris…

Il fait chaud. On traverse le verger, on retrouve le sentier qui mène à la piste principale. Une mobylette vient de passer, soulevant un nuage de poussière. Entourés par une nuée de gamins que le guide a tôt fait de renvoyer, grâce aux bonbons, on arrive à l’église : un grand bâtiment austère, en bois. Si ce n’était sa croix qu’on aperçoit au-dessus d’un semblant de flèche, on penserait davantage à un hangar…

Le vicaire arrive, et nous ouvre son église ; des vitraux très simples, une lumière douce, une atmosphère de paix et de simplicité. Dans le cœur, à côté de la croix, un totem animiste… Il faut bien concilier traditions et christianisme !

Le vicaire parle français ; il est Saïgonnais. Les guides se sont mis sur des bancs, un peu en retrait ; de toutes façons, on n’emploiera que le français pendant toute la visite. Il évoque les problèmes qu’il rencontre. Le parti communiste est le seul parti autorisé ; les autorités, méfiantes, limitent les contacts et les déplacements. Lui, le catholique non communiste, n’est autorisé à se déplacer que dans un rayon de 5 km autour de l’église… Et ça fait 12 ans qu’il est là !

Il dit que si lui ne peut pas se déplacer, les tribus viennent à lui ; le bouche à oreille est très important, et il pratique beaucoup de baptêmes, tous les ans… Ce qui n’empêche pas les tribus de continuer leurs pratiques animistes (sacrifices rituels). Il nous explique que les tribus ethniques sont financièrement soutenues par le parti communiste : écoles, dispensaire –que l’on visite-, tourisme –accords pour la journée, moyennant pourboires, achats de l’artisanat local,... Mais les « Montagnards » sont extrêmement pauvres et ils restent confinés sur un territoire délimité…

On prend congé ; passant devant la cure, on se rend chez le chef du village. La maison est sur pilotis ; la pièce de vie est donc en hauteur. Il faut monter. Il a des yeux malicieux, le chef. En un bon français, il nous parle de ses coutumes et nous explique que pour être chef du village, il faut être riche ; il montre, posée contre le mur, une série d’énormes calebasses faites d’un fruit ( ?) évidé et séché. Ça coûte très cher ; en avoir plusieurs est signe de richesse. Il partage avec ses visiteurs le vin de riz, fait maison…

Dans une sorte de fût opaque, il insère plusieurs pipes en plastique souple, reliées à des becs que chaque convive porte à sa bouche, aspirant le liquide qui se trouve dans le fond ; les yeux du chef pétillent de malice ; je pense qu’aucun touriste ne doit vraiment apprécier le breuvage, et il le sait !

Moi, je prends des photos, ce qui « m’empêche » de prendre part au rituel du vin de riz… et je me garde bien d’en faire la remarque !!! A en voir les têtes des autres, je vois bien que je ne rate rien, mais alors, rien de rien !!! Le chef est un bavard ; il a rarement l’occasion de parler français, et il en profite ; il pousse même la chansonnette, des chansons du répertoire folklorique français, raconte des blagues, fait résonner son gong, joue d’une sorte de flûte… et nous sort même une tirade du Cid, que Mary, qui ne connaît pas, fait répéter…

Enfin, on redescend, et le guide nous emmène de l’autre côté du village, vers l’inévitable maison d’artisanat local ; là aussi, la paillote est sur pilotis ; on y tisse, et on y vend des chemises façon madras, en coton, au boutonnage à la chinoise, des tentures, nappes, sets de table, cotonnades toutes tissées de couleurs vives, décorées d’éléphants ou autres animaux de la forêt toute proche…

On redescend déjeuner à Dalat, dans un petit restaurant local, face au marché. Là, on remarque avec surprise que les garçons et serveuses portent de curieuses marques rouge violacé au front, sur les joues, dans le cou…

Devant notre étonnement Danh, jamais avare d’une intervention, nous explique qu’ils se pincent pour guérir d’un mal de tête. Nous, on reste sceptique : ça fait beaucoup de migraines, tout ça !!! On penche plutôt pour une coutume ethnique, mais on n’aura pas la clé du mystère…

On fait un tour aux w-c ; toilettes femmes et toilettes hommes sont dans le même local ; et ce qui nous amuse, c’est que les urinoirs des messieurs sont remplis de gros glaçons, afin d’en limiter les odeurs !!!

On nous a installés à une table contre la fenêtre. Pendant tout le repas, une Vietnamienne tentera, derrière la vitre, de nous vendre cartes routières, cartes postales, livres... ; Jacques, pris au jeu, lui achètera des cartes postales et la mitraillera, faisant quelques gros plans… dont il ne restera rien, sa manie de tripoter son appareil numérique lui ayant infligé, sur le chemin du retour, l’écrasement total et définitif de TOUTES les photos –quelque 250- du séjour « montagne » !...

Nous partons maintenant pour la gare ; c’est la plus ancienne du Vietnam. Sur un quai désaffecté, un vieux train à crémaillère datant de 1928, et sa locomotive à vapeur.

L’orage éclate comme nous remontons en voiture pour aller visiter la boutique « down town » de l’entreprise XQ, artisanat de tableaux finement brodés en fil de soie.

La visite de l’atelier, où les meilleures brodeuses sont rassemblées, nous stupéfie. Autour de vastes plans de travail, des jeunes filles travaillent, seules ou à plusieurs, à partir de modèles créés et dessinés par des artistes, ou reproduisent, pour des commandes spéciales, des photos fournies par des particuliers. Elles brodent au point lancé, mariant les tons, les dégradés, laissant libre cours à leur inspiration et leur goût artistique ; le résultat est surprenant de lumière, d’intensité, d’exactitude. Les tableaux varient en taille ; il y en a même qui sont « double face », présentés comme un paravent. Pas de nœud apparent, pas de point perdu. Extraordinaire de créativité, ingéniosité, patience, méticulosité, finesse, qualité de travail… On se laisse séduire ; on en achète plusieurs. Pendant que nous attendons les factures, on nous offre du thé et des fruits confits : gingembre, fraises, mûres…, confortablement installés dans un salon ancien.

Le soleil est revenu, et nous partons visiter le jardin des fleurs. Des caoutchoucs géants, philodendrons, mimosa, et beaucoup d’espèces d’arbres que nous ne voyons jamais qu’en pots de plantes « d’intérieur »…

Le jardin est agréable et il fait bon s’y promener. De retour à l’hôtel, Danh se dit fatiguée et déclare préférer se reposer plutôt que de venir dîner avec nous ce soir. Il est encore tôt ; dans un peu plus d’une heure, il fera nuit. Avec Mary, nous partons aussitôt faire le tour du lac à pied, pour ne pas revenir après 18h00. On croise beaucoup de marcheurs.

C’est agréable de pouvoir bouger, se défouler, papoter. On a juste pris les indispensables kleenex et le poncho de pluie… car le ciel est à nouveau très menaçant ; bien nous en a pris, car par deux fois, la pluie s’est soudainement mise à tomber en grosses gouttes tièdes. On fait comme tout le monde : on s’arrête, et on enfile nos ponchos transparents. Qu’il fait chaud là-dedans ! Dès que les gouttes s’arrêtent, on enlève vite notre « sudisette », en quête d’air frais…

On a décidé d’avoir une soirée « sportive » ; alors, de retour à l’hôtel après notre heure de marche, on passe par la salle de fitness. J’y reste encore ¾ d’heure. Ça détend. Pendant ce temps, Jacques et Jean-Yves sont allés au « Café de la Poste » faire un billard. Quand on les rejoint, enfin douchées et avec la sensation d’avoir assaini le corps, ils ont presque fini leur partie.

Ce soir, on dîne tous les quatre, et on peut mieux apprécier le repas ; on peut enfin déguster les plats sans trop forcer sur la quantité, et surtout, manger à notre rythme, sans précipitation. La conversation est essentiellement alimentée par l’attitude de Danh, que nous avons parfois du mal à cerner. On décide de lui faire un cadeau avant le mariage. Difficile en effet de lui glisser un pourboire, comme on le fait pour les autres guides ou chauffeurs, dans la mesure où elle fait partie de la famille.

Pendant qu’on discute sur ce qui lui ferait éventuellement plaisir, je la revois, cet après-midi, à la boutique XQ, appréciant les tableaux que nous avons achetés, disant que c’était des cadeaux de valeur, prestigieux, très estimés. Je propose donc qu’on lui en offre un ; tout le monde tombe d’accord. Mais il est déjà tard ; on fonce à l’hôtel pour connaître les horaires de fermeture : 9h30 ; il est déjà 9h15, il nous reste ¼ d’heure ; la boutique est au centre-ville, et ce n’est pas loin, mais il nous faut 10 minutes à pied, et on ne veut pas prendre de risque…

Pour gagner du temps, on fait appeler un taxi. Ah ! la, la !!! La réception a commandé la course à une espèce d’estafette plus ou moins électrique et poussive. De plus, le chauffeur ne comprend pas grand-chose en anglais ou en français. On aurait presque envie de descendre dans les côtes pour pousser le véhicule ! Enfin, il arrive sur la place du marché et se gare du «mauvais côté» du rond-point ; Jean-Yves nous demande, à Mary et moi, de courir jusqu’à la boutique pendant que les hommes vont régler la course ; eux, ils ne sauraient pas quoi choisir. Alors, on fonce, on court à travers la place, le rond-point, la première volée d’escaliers, on traverse l’avenue, courant toujours, louvoyant entre les cyclos qui, heureusement, sont moins nombreux ici qu’à Saigon ; nous courons encore dans la deuxième volée d’escaliers, et enfin, nous arrivons au pied de la boutique où nous escaladons (avec moins de vivacité !) les dernières marches, une dizaine, très hautes et étroites, qui forment le perron de XQ. Eh bien, question sport, c’est tout ou rien !!!

La boutique est encore tout éclairée ; il y a des clients qui visitent ; tout est calme ; notre irruption, en nage et essoufflées, surprend le personnel qui se rassemble autour de nous ; Mary tente d’expliquer qu’on a couru parce qu’on avait peur que la boutique ferme, et qu’on est fatiguées, parce qu’on a déjà fait beaucoup de sport, le tour du lac, la salle de fitness, … Tout le monde la regarde, sans rien comprendre ; moi, je pars d’un fou rire, bientôt suivie par Mary.

Enfin, au moment où les hommes nous rejoignent, on arrive à expliquer qu’on en vient pas à cause d’un problème survenu suite à notre achat de l’après-midi, mais qu’on vient acheter un autre tableau… Et c’est là qu’on nous informe que la boutique ne fermait pas à 21h30, mais à 22h00… On avait donc le temps !

Sur les conseils de la vendeuse, on se met d’accord sur l’achat d’un tableau de taille moyenne, représentant un paysage typique vietnamien, qu’on fait emballer dans un superbe paquet cadeau.

Vendredi 26 août

On avait vu juste. Le cadeau fait énormément plaisir à Danh qui retrouve sourire, entrain et… bavardage ! La première chose qu’elle dira à Minh Tri, le soir, c’est qu’on lui a offert un « cadeau très cher », alors qu’elle ne l’a toujours pas ouvert…

Aujourd’hui, on rentre à Saigon : demain, c’est le grand jour pour Maxime !

On passe par le col de Prenn, frontière entre les Cham et les Lat ; d’ailleurs, « Prenn » signifie « envahisseurs ». Jusqu’au XVII° siècle, le territoire Cham occupait tout le centre du Vietnam. Une forêt de pins borde la descente ; passé le col, le paysage est superbe et romantique. Face aux chutes de Prenn, la montagne de l’éléphant, qui doit son nom à sa forme ; c’est là que la rivière Saigon prend sa source.

Dans la vallée, on retrouve la ville et son bouillonnement ; on longe l’école primaire. La rentrée des classes, c’est pour lundi ; alors, tous les écoliers sont là, en tenue, très propres, et tous travaillent à nettoyer les classes, la cour, le jardin, l’allée, arrachant les mauvaises herbes, frottant, grattant, sarclant, préparant cette cour pour la fête de la rentrée, prenant bien soin de ne pas se salir…

La plaine est couverte de rizières et de champs de glaïeuls. On s’arrête vers des paysannes en train de ramasser les fleurs, une à une, selon leur maturité, pour en faire de gros bouquets. On roule maintenant à 35 km/h ; la police a été signalée dans le coin ; et c’est alors un long défilé de véhicules sages, ne klaxonnant pas, ne doublant pas, respectant la limitation de vitesse… ce qui nous laisse le temps de prendre quelques photos de ces buissons de colorant alimentaire rouge, dont on se sert pour le curry. Ces taillis produisent des fruits en forme de boule, ressemblant un peu aux kiwis ; lorsque ces fruits sont mûrs, ils éclatent en fleurs à l’aspect cotonneux, blanches, puis rouges. Le Vietnam, du moins, cette partie sud, me fait penser à un patchwork : commerces rassemblés par secteurs sur les marchés, fruits, poisson, viande, légumes, vêtements, tissus, confiseries, …, champs regroupés par « régions », thé, café, riz, maïs, hévéas, poivriers, …

Si le thé ne pousse bien que sur les Hauts plateaux, on y cultive aussi les arbres à fruits d’anis étoilé ; ici, les habitants vivent dans des maisons sur pilotis pour se protéger des animaux sauvages et des serpents, comme dans la commune des Lat, chez le chef du village ou dans la maison de l’artisanat.

On s’arrête près d’un champ immense où des ouvrières sont en train de récolter le thé. Du thé « Oo Long », le « dragon noir », ce thé taïwanais qui a remplacé les plantations faites pendant la colonisation française. Le champ est à flanc de colline, et on ne peut pas s’empêcher de penser à toutes ces photos, à tous ces posters publicitaires sur le Vietnam, à la vue de tous ces chapeaux de paille coniques, penchés sur les buissons, récoltant les feuilles tendres pour les entreposer dans de longues panières tressées.

Dans le champ du bas, une ouvrière, seule, arpente les rangées pour arracher les mauvaises herbes. A l’ombre des arbres plantés au bord du chemin, les vélos attendent, chargés des panières du déjeuner, et lestés de serpettes attachées au bout de longs manches en bois.

Danh prend le temps de nous initier à l’art du thé :

Pour 4 personnes :

- d’abord, inviter les amis à s’asseoir autour de la table,

- ensuite, faire bouillir l’eau,

- verser une cuiller de thé noir oo long dans un petit bol,

- quand l’eau bout, rincer la théière,

- mettre les grains de thé dans la théière encore chaude,

- verser de l’eau bouillante sur le thé,

- attendre 1 minute, puis jeter l’eau de la théière : ce premier thé n’est pas à boire ; il est amer.

- faire à nouveau bouillir l’eau,

- ajouter l’eau dans la théière,

- laisser infuser 5 minutes, pour faire ouvrir les feuilles de thé. Si on double les proportions, parce que le nombre de personnes est plus important, laisser infuser 10 minutes au lieu de 5. Il est important que les feuilles soient bien toutes ouvertes.

Penser aussi à rincer les tasses à l’eau bouillante avant de servir, afin de les chauffer. Lorsque le thé est servi, mettre le mini bol dans le creux de la main gauche ; puis le déplacer lentement vers l’avant des doigts dont la dernière phalange se redresse en crochet. Ensuite, quand la chaleur envahit le corps, prendre le bol entre le pouce et l’index de la main droite, l’auriculaire soutenant l’ensemble. Porter lentement le bol à la bouche et se cacher avec l’autre main (pour ne pas montrer l’intérieur de la bouche). Boire trois fois… Le mini bol est symbole de bienvenue.

On déjeune dans un restaurant-magasin-dégustation (thé et café) où on achète du thé froid en bouteille. Là, les W-C sont à l’occidentale : portes qui ferment, lavabos, chasses d’eau, … ouf ! Il y avait déjà un moment qu’on avait envie d’un « arrêt technique », mais rien ne se présentait pour nous…

Après le repas, on passe par la boutique ; pendant que Mary consolide sa provision de thé, j’achète du voile de soie. Mais comme toujours, il faut se dépêcher, acheter à la va-vite, sans prendre le temps de réfléchir ni faire le tour du magasin.

On se rend maintenant au village de Madaguil, spécialisé dans le rotin pour la confection de meubles, paniers, corbeilles…

Sur la route en lacets qui descend des hauts plateaux, on est ralenti par un gros camion, très large, qui croise de justesse les véhicules venus d’en face. Derrière lui, un vélomoteur transporte un énorme fagot de bambous. Le chargement, très lourd, se décale à chaque soubresaut du cycle, obligeant le conducteur à rétablir l’équilibre, se penchant sur le côté « faible » afin de contrebalancer la charge instable ; il faut dire que les bambous sont d’une extrême longueur, et que le fagot, arrimé en travers du porte-bagages, est au moins aussi large que la remorque du camion qui précède. Le cyclomotoriste zigzague pour se maintenir sur la route et appréhender les virages sans que les bambous viennent cogner contre la paroi rocheuse.

Enfin, le bas-côté s’élargit. Le camion a pris de l’avance. Derrière nous, une camionnette pressée nous double, sans visibilité, tente de se rabattre derrière le cyclo, décide au dernier moment de le doubler aussi, le rase de si près qu’il manque le faire tomber en le serrant sur le bord, puis, pour éviter des voitures arrivant en face, se rabat devant lui en queue de poisson. Le cyclo rétablit difficilement l’équilibre, mais réussit à se maintenir en selle ; le fagot penche maintenant dangereusement sur la droite, là où les embouts sont coupés en biseaux très tranchants, affilés, acérés, contrairement à l’autre partie qui est coupée droite. Le conducteur zigzague de plus belle mais ne tombe pas ; on sort d’un dernier virage ; devant nous, la route devient droite. Sur le bas-côté droit de la chaussée, une femme en ao daï blanc marche vers le village, nous tournant le dos. Si elle a entendu les véhicules arriver derrière elle, elle n’a pas vu la largeur du chargement et n’en soupçonne pas l’existence. Le cyclo, toujours en recherche d’équilibre, ne peut pas se décaler ; il arrive à sa hauteur ; au passage, les pics acérés cinglent le bras et peut-être aussi l’abdomen de la Vietnamienne, qui se plie en deux sous la douleur, incapable de faire un pas.

Le cyclo continue sa route ; il ne peut pas s’arrêter ; pourtant, vu le choc, il est impossible qu’il ne s’en soit pas aperçu. Notre chauffeur accélère, double le cyclo en klaxonnant comme un fou, lui désigne en passant la femme restée immobile sur l’accotement, et continue son chemin ; le cyclo ne bronche pas. La vie continue ; la femme reste seule sur le côté ; on n’en saura pas plus ; personne ne lui porte secours, pas même notre chauffeur ; on est horrifiés.

On arrive maintenant vers Madaguil ; on double un autre cyclo, dont le passager porte sur l’épaule un énorme fagot de rotin, mais dans le sens de la route, cette fois ; il se rend dans la fabrique où l’on s’arrête, pour visiter. Le conducteur du cyclo passe au ralenti devant l’atelier, tandis que le passager, son fagot toujours sur l’épaule, descend en marche, fais trois pas et se décharge d’un coup d’épaule ; le fagot tombe à terre ; pendant ce temps, le cyclo a fait demi-tour, et il reprend en selle son passager, pour aller chercher un autre chargement…

L’atelier est ouvert sur les façades avant et arrière, comme toujours. On visite aussi le magasin, aux innombrables paniers, corbeilles, plateaux, meubles bas, chiffonniers, … C’est chouette, mais un peu encombrant, bien que les vendeurs insistent pour dire qu’ils font les expéditions sur l’Europe…

On a retrouvé la touffeur de la plaine. On repart sur Saigon, traversant des villages, maisons ouvertes sur la route ; sous les auvents de rotin ou de palme, des billards, autour desquels des hommes, plutôt jeunes, se divertissent. Plus loin, des ados jouent à ce jeu de volant lancé au pied, faisant le plus de lancers possibles de l’un à l’autre sans qu’il ne retombe à terre… on les photographie ; ça les fait rire.

Devant les maisons qui bordent la route, on aperçoit souvent de gros bidons verts en métal. Ce sont des « stations essence » de fortune, car les vraies stations sont loin…

Nouvel et dernier arrêt dans un café-hamac. Le café, ici, est signalé par de grands panneaux : « Cà phê » ! Au mur, une pub pour Coca-Cola, et une autre pour…. la vache qui rit : je suppose que Laù Bo, ça veut dire « vache qui rit » !

On se régale d’une pomme-cannelle et on se désaltère avec une rafraîchissante eau de coco. Le café-hamac se trouve en bordure de forêt ; dans le jardin du café-hamac, des gosses jouent et grimpent aux arbres. Danh leur explique que l’un des Français s’appelle « Jacques ». En riant, ils viennent le chercher et l’emmène vers un jacquier couvert de fruits, les jacques » ! Après quelques photos des fruits et des mômes, nous voilà repartis.

Jacques joue avec son appareil, fait des gros plans de certaines photos, … et appuie deux fois sur le « oui » demandé par l’appareil après une manipulation… ce qui a pour effet d’écraser, en un millième de seconde, toutes les photos de ces trois derniers jours, Dalat, la montagne et le village des Lat, les brodeuses, les gosses dans le parc floral, ceux du café-hamac et leurs jacquiers, les arbres, les fruits, la cascade, les mûriers, l’éléphant, le pont de singe, le marché du soir et celui du jour, les portraits de vieilles femmes et d’enfants, le « Café de la Poste », le style colonial du Novotel, l’écriteau «Cà phê » brinquebalant, les théiers et le travail aux champs, la récolte, les caféiers, les maisons en bois sculpté, les Vierges et Jésus sur les terrasses des belles maisons, le papillon géant, la promenade autour du lac, la salle des machines de la locomotive à vapeur, … rien, il ne reste plus rien des plus de 250 photos…

17h30. On arrive à notre hôtel, à Saigon. On récupère les bagages qu’on avait laissés en consigne, et je donne mes robes à repasser pour le lendemain. Pendant que Jean-Yves prépare son discours du lendemain, Mary, Jacques et moi partons chez la couturière.

Dans le hall de la réception, nous croisons Maxime et Minh Tri, chargés de trois magnifiques corbeilles rouges, qu’ils vont déposer dans la chambre de Jean-Yves et Mary ; c’est pour demain… on ne pose pas de question ; on sait que Jean-Yves tient à garder jalousement le secret… Minh Tri nous dit qu’elle a pris rendez-vous avec le coiffeur à 7h00 du matin ; il viendra nous coiffer à l’hôtel.

Dans la rue, on retrouve le bruit incessant des klaxons, des moteurs de mobylettes, le grouillement ininterrompu de la vie saïgonnaise… On avait presque oublié, dans le silence et le calme relatifs de Dalat…

On essaie nos robes ; celle de Mary lui va parfaitement ; la mienne nécessite quelques retouches, et sera prête dimanche matin, juste avant le départ pour la France ! Ce soir, Minh Tri dîne avec sa famille, et Max dîne avec nous. C’est leur dernier soir en célibataire. Max m’offre « Le Petit Prince » en vietnamien. C’est vraiment gentil !

On va se restaurer dans un « fast-food-buffet » vietnamien. Tant mieux ; on peut choisir de peu manger ! Jean-Yves est de mauvaise humeur ; il veut rédiger son discours comme il en a envie, mais Danh, qui a décidé de ce qu’il devait écrire et qui doit assurer la traduction, est revenue sans arrêt à la charge pendant tout le voyage retour.

Pour se défouler et détendre l’atmosphère, on fait un tour à l’hôtel Continental, pas très loin du nôtre, là où se déroule l’action de plusieurs romans, dont « A quiet American »… C’est chouette, d’un luxe colonial qui fait rêver. Dans la librairie d’en face, Mary déniche un bouquin de cuisine vietnamienne aux photos appétissantes…

Samedi 27 août

Je me lève à 5h30, pour avoir le temps de prendre une douche, petit-déjeuner, repasser l’ao daï que je vais mettre, et être prête pour les coiffeurs…

Les coiffeurs arrivent dans la chambre à 7h00. Dans un sac plastique, tout leur matériel : brosses, laque, sèche-cheveux ; ils trouvent des prises, des sièges, nous installent, Mary et moi. A 7h30, ils ont terminé de coiffer, crêper, laquer… On coiffe encore « guindé », ici…

Max arrive avec son fer à repasser. Vite, on branche, mais la prise ne tient pas. Céline, arrivée entre temps, tient la prise pendant que je tente de faire disparaître les plis de l’ao daï ; bon ; ça ira comme ça, même si ce n’est pas parfait. Mary descend enfiler sa robe tandis que Céline aide à m’habiller : fermer les pressions de l’ao daï, ce n’est pas facile quand on n’a pas l’habitude !

7h45. On est en bas, dans le hall de la réception de l’hôtel. Posées dans l’un des salons et faisant l’attraction de la clientèle matinale, il y a déjà les « corbeilles » de cadeaux symboliques du mariage, dans de grosses boîtes rondes en métal rouge, marquées de l’idéogramme « bonheur », « félicité » :

- 2 gâteaux de riz gluant en forme de cœur, roses et blancs, portant eux aussi les idéogrammes du bonheur,

- une multitude de petits paquets vert sapin, imprimés de l’idéogramme en rouge ; ces petits paquets sont présentés en damier, face endroit, face envers, pour que les idéogrammes rouges ressortent sur le vert uni des dos,

- feuilles de bétel et noix d’arec, toujours très savamment présentées

- thé dans de jolies boîtes de métal,

- fruits,

- un plateau portant une mini théière de bienvenue et deux mini bols, avec de l’alcool de riz,

- enfin, le cochon de lait rôti, recouvert d’un napperon rouge.

Quand le maître de cérémonie arrive, tout le monde se met en place sous l’œil des caméras ; son premier geste est de glisser une belle fleur blanche à la boutonnière de Maxime. On enlève maintenant les couvercles des corbeilles pour les déposer de part et d’autre de la table basse où elles sont entreposées ; de petites nappes rouges adaptées au format des différentes boîtes et brodées des idéogrammes porte-bonheur attendent, placées sur la banquette. J

ean-Yves et Mary, chacun de son côté, doivent coiffer une par une chaque corbeille de son couvercle, puis la recouvrir de sa nappe. Crépitement des flashes, photos, film… Puis c’est la sortie en mini cortège vers les véhicules. En tête, Max et ses parents, puis viennent David et Céline, Jacques et moi, les six porteurs de corbeilles et les deux porteurs du cochon rôti. Traditionnellement, c’est à la famille du fiancé de « fournir » 8 jeunes hommes célibataires choisis parmi la famille ou les amis. Ce sont eux qui portent les cadeaux de mariage et qui devront les remettre à leurs homologues, filles, de la famille de la fiancée…. Mais comme il était impossible de réunir 8 célibataires Français ou Américains proches de Max, ce sont des amis de Minh Tri qui se sont prêtés au jeu.

Nous voilà répartis dans les véhicules ; les 8 porteurs ont un bus spécial. Des cameramen à moto filment ; ils filment tout ; la cérémonie, les invités, et même le parcours vers la maison de la fiancée, parmi les véhicules et les cyclos d’une Saigon plus grouillante que jamais…. On se dirige vers la « maison de campagne » de Téo et Vouie, les parents de Minh Tri.

Enfin, nous voilà arrivés ; on n’a pas quitté la ville, si ce n’est qu’à une vingtaine de mètres de la maison, on a emprunté un chemin de terre étroit bordé de maisons basses avec jardinets…

A peine descendus, nous nous remettons en cortège ; quand les parents de Minh Tri sont prêts, on nous donne le signal et le cortège s’ébranle sous un soleil de plomb ; on passe sous le portail décoré et fleuri de la maison de la fiancée. Les jeunes hommes offrent les corbeilles de mariage et le porc aux jeunes filles, rangées près du portail d’entrée.

Maintenant, on nous installe autour de la table des Anciens, devant l’autel des ancêtres décoré d’un phœnix et d’un dragon artistiquement faits de fleurs, fruits, légumes. Max se tient debout, près de l’autel ; Minh Tri n’est pas là ; elle doit rester invisible jusqu’à ce que sa mère aille la chercher.

Quand tout le monde est en place, le maître de cérémonie prononce un discours. Danh traduit. Tout d’abord, la famille de la jeune fille doit accepter le jeune homme. On présente chaque membre présent –tante n°2, tante n°3, tante n°4, …, tante n° 12 ; idem pour les oncles…).

Vouie va maintenant chercher sa fille. Minh Tri arrive, superbe ; elle est habillée d’une robe de cérémonie traditionnelle : ao daï en voile de soie rose poudre, orné de perles, chapeau-couronne assorti, nu-pieds avec papillons en strass…

C’est maintenant que les parents du fiancé remettent leur cadeau –une enveloppe- sur le plateau à l’alcool de riz. Ils portent un toast. Le cadeau est accepté par la famille de la jeune fille. Puis c’est la prière devant l’autel des ancêtres, et Mary remet leur bague aux mariés. Toast.

C’est le tour maintenant de chaque personne présente qui remet son cadeau, une par une, prenant tout le monde à témoin ; et à chaque fois, un toast. Les enveloppes portent le nom du donateur (tante n°2…) et sont glissées l’une devant l’autre, par ordre, sur le plateau à toast. Beaucoup offrent aussi des alliances en or, considérant que c’est un placement pour l’avenir. Les doigts de Max et Minh Tri ressemblent au cou des femmes-girafes. On a un peu de mal à maîtriser un fou rire. Max n’a pas les doigts longs et fins des Asiatiques, et chaque alliance offerte cause des tracas au donateur, qui ne sait pas sur quel doigt faire glisser l’anneau…..

Après la cérémonie des cadeaux, Max et Minh Tri brûlent de l’encens et allument les bougies de l’autel des ancêtres. Les voilà maintenant pleinement mariés. Des boissons sont servies dans le jardin ; au centre, une jolie pièce d’eau avec un paysage miniature : montagne escarpée, petit pont de bois, maisons au toit en pagode accrochées à flanc de coteau, bouddha, bonzaïs…

Puis on retourne dans les voitures pour se diriger vers le restaurant-cafétéria-buffet où sont invités les membres de la noce. C’est bizarre ; lorsqu’on arrive, certaines tables, dont les convives sont partis de chez Minh Tri avant nous, en sont déjà au dessert ! Ici, c’est comme aux USA. Au moment des repas, c’est chacun pour soi !

Ngen, un ami d’enfance de Minh Tri, parle un excellent français. Il nous tient compagnie et nous explique la cérémonie, les traditions, les attentes des Vietnamiens... Lui n’ira jamais en France ; du moins, pas tant que les frontières de son pays ne seront pas ouvertes… Il nous explique qu’il faut être étudiant pour pouvoir obtenir un visa de sortie ; c’est dans ce cadre-là que Minh Tri est venue à Paris, pour y faire des études. Mais ceux dont les parents ne sont pas assez fortunés pour envoyer leurs enfants étudier à l’étranger, ou ceux qui n’ont plus le statut d’étudiant, ne peuvent pas partir. Le pays est fermé sauf, depuis 1998, à l’intérieur de l’ASEAN, pays pour lesquels il faut tout de même un visa de sortie !!!

On retourne à l’hôtel ; on a quartier libre jusqu’à 16h15. On en profite pour aller à Ben Thanh faire quelques achats, puis on rentre prendre une douche et mettre une tenue occidentale pour la soirée. La voiture des mariés attend dehors ; Jean-Yves, Mary, David et Céline y montent, tandis que nous prenons un taxi à qui nous enjoignons de suivre la voiture des mariés ; ni les uns ni les autres n’ont l’adresse du restaurant ; on suppose que le chauffeur de la voiture des mariés connaît…

Mais après avoir roulé une vingtaine de minutes, voilà que la voiture s’arrête au bord d’un trottoir boueux, dans un quartier un peu miteux. On a l’impression d’être perdus ; le chauffeur officiel semble attendre quelque chose ; il téléphone ; on se demande ce qu’il se passe ; mais il ne parle que vietnamien, et on ne comprend rien ; le chauffeur de taxi, lui, parle un peu anglais et français ; après discussion avec l’autre chauffeur, il nous dit que quelqu’un va venir nous chercher en scooter, et le voilà parti !!!

Et nous voilà dehors, moites sous la chaleur humide, en tenue de soirée, au beau milieu de l’après-midi. Enfin, un ami de Minh Tri arrive sur son scooter et prend Jean-Yves derrière lui ; puis un deuxième emmène Jacques. Puis, Jacques revient quelques instants plus tard, tandis que Jean-Yves revient à pied. En fait, on est tout près de la maison « de ville » des parents de Minh Tri. Toute la famille et tous les amis de la mariée sont là-bas. Il y a eu mauvaise explication du timing ; la voiture des mariés était réservée à Max, qui entre temps, est allé à l’hôtel, et nous, on devait tous être emmenés dans un mini-bus… mais une heure plus tard que celle à laquelle nous sommes partis… Minh Man, le frère de Minh Tri (dont le nom signifierait « perspicacité, vivacité d’esprit ») arrive au volant de son van et nous « charge » tous les six, pour nous emmener au restaurant… où Max nous attend déjà…

On renonce à comprendre. Petit à petit les invités arrivent ; la famille, les amis, Minh Tri et ses parents nous ont rejoint. Minh Tri est superbe dans sa robe blanche à l’occidentale… La salle est immense…

Prévue pour 800 couverts, il y a 80 larges tables rondes, ces tables chinoises au diamètre impressionnant, avec plateau central tournant. Dressées pour dix couverts, elles sont recouvertes de longues nappes de coton blanc. Les chaises sont également habillées de blanc, avec un gros nœud parme en voile accroché dans le dos ; sauf pour les quatre tables d’honneur, où les nœuds sont blancs. D’ailleurs, la vaisselle varie aussi selon qu’on est à une table d’honneur ou pas. Blanche unie pour toutes les tables, avec un liseré vert pour les quatre « spéciales », lesquelles sont fleuries d’un gros bouquet central. Même les verres diffèrent : simples verres à sirop pour les uns, verre à bière sur pied pour les autres. Devant les tables d’honneur, la scène, encadrée par deux écrans géants. Près de la sono, un piano électronique…

David et Céline sont prévus à la table des jeunes ; nous, avec Jean-Yves et Mary à la table des mariés…. C’est sans compter les erreurs de placement : Minh Man emmène David et Céline à la table des mariés, et Max, voyant que la table est déjà occupée, nous place de l’autre côté de l’allée centrale, à la table des tantes « 10 » et « 13 », et des enfants qui officient à l’entrée, derrière la table du Livre d’Or et les corbeilles de « participation ».

On ressort pour assister à la cérémonie de l’arrivée d’autres mariés qui font la fête à l’étage au-dessus. C’est kitsch ; très kitsch : carrosse citrouille de Cendrillon sorti tout droit d’une parade Disney, carcasse en fer forgé sur laquelle sont montées des centaines de petites ampoules qui scintillent dans la nuit qui vient de tomber. Le carrosse s’arrête devant le tapis rouge le long duquel tout le personnel se tient en grande batterie pour faire la haie d’honneur ; les mariés descendent du carrosse et remontent l’allée sous les applaudissements –en cadence !!!- des serveurs.

On retourne à nos tables où on nous amène coca et bière dans des brocs. Méga glaçons dans les verres… et dès qu’on boit une gorgée, on nous fait un « refilling » ! Un moment plus tard, on nous apporte des feuilletés à la viande qui ont pour fonction de nous faire attendre le début de la fête et les autres convives de la même table. Mais nous, comme on ne le sait pas, on attend poliment, sans se servir, que notre table se remplisse.

La serveuse qui s’occupe de notre table vient nous faire comprendre que ce n’est pas le repas, mais que ces feuilletés sont là pour tromper l’attente. D’accord ; on opine de la tête. Mais comme on ne se précipite pas sur le plat, la jeune fille revient avec un grand sourire et nous propose gentiment, dans un anglais très approximatif (elle vient de demander la phrase à une copine, à l’autre bout de la salle !), de nous apporter une fourchette et un couteau, montrant les baguettes d’un air désolé. Elle doit penser qu’on ne sait pas s’en servir. Du coup, on attrape nos baguettes et on se dépêche de prendre une bouchée de feuilleté, histoire de ne pas paraître à la fois stupide et impoli !

Tout à coup, les lumières s’éteignent. Une musique retentit, très rythmée. C’est la danse du dragon ; et justement, deux dragons chinois remontent en dansant l’allée centrale, de la porte extérieure jusqu’à l’estrade. Suivent de gracieuses danseuses à l’éventail, puis des mandarins portant de grandes lances. Tout ce petit monde danse sur la scène, puis repart sur l’allée centrale. Ils vont accueillir le palanquin qui arrive maintenant, dans la rue, portant Max et Minh Tri.

Le spectacle extérieur est retransmis en direct sur les écrans géants. Cameramen et éclairagistes sont des pros, ce qui donne un résultat parfait. Les danseurs évoluent maintenant sur le patio, devant l’entrée du restaurant, sous les regards des jeunes mariés. Puis, à leur tour, les mariés remontent l’allée centrale vers la scène, suivis des mandarins portant une sorte de petit baldaquin rond orné de pampilles, perché au bout d’un long manche et « abritant » Minh Tri. Viennent ensuite les parents des mariés.

Deux présentateurs montent sur scène et expliquent que la cérémonie commence. C’est l’heure des discours. Danh traduit « en gros ». Enfin, les mariés et leurs parents viennent s’installer à leur table ; cela fait une heure et demie qu’ils piétinent devant les invités !

Jean-Yves nous fait signe de venir les rejoindre à leur table. Il est content de s’asseoir. On nous apporte le premier plat : une entrée de salades de crabe ou crevettes présentées dans des verres coniques posés sur une tige métallique en spirale ; c’est très joli. Dans les plats posés au centre, boulettes, dim sum, beignets. Mais à peine leur salade entamée, Téo se lève et fait signe à son épouse, Mary, Jean-Yves et aux mariés qu’il faut maintenant aller porter un toast à chaque table… il y en a 75 !!! Jean-Yves regarde avec regret sa salade de crevettes, et s’en va trinquer avec les invités.

Pendant ce temps, sur scène, aucun temps mort. Chanteurs et chanteuses se succèdent, des pros, apparemment connus, avec de belles voix chaudes et mélodieuses, musique jouée au piano électronique – des airs français !-, un « roi du rire » qui amuse toute la salle (sauf nous, of course, puisqu’on ne comprend pas), des acrobates, des danseuses, … bref, un véritable spectacle de très bonne qualité. David et Céline rient avec nous et savourent ces moments peu communs. On se régale, au propre comme au figuré. Aux salades ont succédé de petites soupières dorées (blanches pour les autres tables), rondes, au couvercle qui bascule, contenant un délicieux bouillon. Puis viennent les crabes farcis, les rouleaux de printemps aux légumes, le poisson sur tofu sucré servi avec du riz nature…

On nous apporte maintenant des crevettes géantes à cuire dans un pot au feu poisson/légumes. C’est le moment que choisissent les mariés et leurs parents pour réapparaître à la table. Jean-Yves est ravi de s’asseoir, termine en vitesse sa salade aux crevettes entamée tout à l’heure, et attrape sa grosse crevette avec gourmandise. Hélas, à peine la crevette embrochée posée dans le bouillon que déjà la famille Nguyen se lève et leur fait signe de suivre. C’est que les premiers invités, qui ont déjà terminé leur repas, s’en vont… et il leur faut aller dehors pour l’au revoir formel, comme l’accueil à l’entrée… Jean-Yves nous glisse « Laissez-nous une crevette avant qu’ils n’embarquent tout »…

Après le pot au feu vient le dessert : des mousses chocolat ou fraise, présentées dans des verres. Les Vigier et Nguyen arrivent à ce moment-là. Ils avalent leur brochette, froide, et prennent un dessert. Mais déjà, la fête est finie. La sono est débranchée, les écrans sont éteints. Les tables sont desservies et nettoyées ; il faut dégager la nôtre ! C’est qu’il faut nettoyer et préparer pour la prochaine noce !

Il est 21h45. Pas de temps perdu ! On pense que c’est fini, mais non, pas tout à fait. Dans le fond de la salle, deux tables sont dressées avec la vaisselle blanche simple. On va se rasseoir à une des deux tables, avec les mariés, leurs parents, et bien sûr, David et Céline. On nous apporte à nouveau bière et coca…et on comprend avec effarement qu’on va nous resservir exactement le même repas que tout à l’heure… C’est que David, Céline, Jacques et moi avons déjà mangé ! Quant aux mariés et leurs parents, la fatigue leur a ôté toute faim…

Personne ne touche à son assiette, sauf Jacques, bien entendu !!! Max est fatigué. Il souhaite rentrer sans attendre le repas. Minh tri se lève avec lui, ainsi que David et Céline, puisqu’ils entrent ensemble chez Max. Alors, Jean-Yves et Mary se lèvent aussi, ainsi que nous. On hésite un peu parce qu’on craint d’être impoli avec Téo et Vouie, mais Minh Tri nous explique que ses parents sont fatigués eux aussi et qu’ils souhaitent rentrer pour se reposer.

On prend un taxi pour rentrer à l’hôtel. On est perplexe. La fête a commencé de façon très dense et très colorée, et voilà qu’elle se termine en queue de poisson…

Mais apparemment, rien de choquant pour les Vietnamiens ; ce doit être la coutume ici. Bizarre, bizarre.

Dimanche 28 août

Après le petit-déjeuner, on fait nos dernières courses : je vais chercher ma robe, acheter un sac pour Mamie, Jacques fait des photos des brodeuses. On repasse par l’hôtel et on repart avec Jean-Yves et Mary, pour le marché Ben Thanh, une dernière fois. On craque pour un superbe jeu de mah jong, et je me rachète des pantalons « vietnamiens » pour St-Gué. Mary se trouve une paire de chaussures très chic, avec strass. On achète encore quelques plaques en résine « Tintin et le Lotus Bleu », et « Corto Maltese ».

Retour à l’hôtel. On boucle les valises et on les entrepose dans la chambre de Jean-Yves et Mary.

A 13h00, les jeunes arrivent, et on va déjeuner dans un restaurant du coin. Jacques, Jean-Yves et David se régalent de porc laqué, tandis que Max et Minh Tri mangent une soupe aux raviolis ; Céline et Mary ont opté pour des champignons parfumés, et moi, pour des dim sum ; c’est notre dernier repas au Vietnam… dans quelques heures, on sera dans l’avion du retour…

Une dernière balade le long de la rivière Saigon – l’avion n’est que tard ce soir-. Le temps est couvert ; fréquentes averses ou grosses pluies tropicales, on goûte à tout.

Heureusement qu’on n’a pas eu ce temps-là pendant le voyage ! Sur la rive encombrée de déchets, un pêcheur et son fils pêchent à la palangre. Le père, torse nu, expose son dos marqué de douze grosses marques violacées, rondes : ce sont des traces de ventouses !

Ils ramassent de petits poissons rouges. La rivière en est pleine. Ils les mettent dans un seau en plastique contenant un peu d’eau. Je suppose que c’est pour les aquariums.

David et Céline nous laissent pour rentrer à l’hôtel. Nous, avant de rentrer, nous faisons un grand tour, empruntant la rue Pasteur, longeant l’Institut et le musée des souvenirs de guerre. Un coiffeur de rue tient « boutique » : sur le mur de l’Institut Pasteur, il a accroché un miroir en face duquel est installé un fauteuil à accoudoirs confortables ; à côté, une mini-table et des sacs en plastique où est entreposé le matériel ad hoc. Assis dans le fauteuil, un vieil homme aux cheveux soigneusement coupés et coiffés contemple son image…

Plus loin, un réparateur de roues crevées a posé son matériel près d’un pylône, à un croisement de rues. Au-dessus, un enchevêtrement de câbles électriques, rouleaux, fils plus ou moins bien attachés, rafistolés, entremêlés, pendent lourdement en haut d’un poteau, alimentant les rues et maisons alentour. On se demande comment ils s’y prennent pour réparer en cas de panne !?!

Retour à l’hôtel. Tout le monde est là, confortablement installé dans les fauteuils de la réception. Nous les rejoignons quelques instant, avant de monter récupérer nos bagages (3 voyages !!!).

Angoisse : comment va-t-on faire pour la partie Paris-Bruxelles que nous devons effectuer en train ? Puis Minh Tri nous appelle un taxi et c’est le temps des « au revoir ».

Voilà ; on quitte Saigon district 1 pour les faubourgs et l’aéroport.

Enregistrement ; taxes de surpoids de bagages. Et oui ; le poids du retour ne doit pas excéder 20% du poids de l’aller, même si in fine, on n’atteint pas la limite autorisée… Si on avait su, on aurait chargé nos bagages de bouteilles d’eau au départ de Paris….

Petit tour aux toilettes, où je constate que les Vietnamiennes ne savent pas que les corbeilles à papier à côté des lavabos ne sont là que pour jeter les essuie-mains en cellulose… Puis on passe les contrôles, sans problème, et on embarque dans la foulée. Escale à Bangkok, comme à l’aller ; et aujourd’hui encore, pas d’autorisation de descente ; l’avion est plein à craquer ; le personnel de nettoyage monte à bord, mais ne tente pas de nettoyer autre chose que les toilettes ; pas possible de faire plus ; trop de monde.

On nous distribue des couvertures pour le vol de nuit jusqu’à Paris. Beaucoup d’enfants en bas âge ont embarqué ; l’avion est bruyant ; et pour une fois, il y fait chaud ; trop chaud, même.

On reste coincé dans nos sièges. Et comble de malchance, le siège devant moi est basculé à l’arrière ; je n’ai vraiment pas d’espace… On vole plein ouest ; il fait nuit du départ jusqu’à l’arrivée… Plus facile pour dormir….

Vietnam 2005 : Phénix, dragons, et vendeurs de rues...Vietnam 2005 : Phénix, dragons, et vendeurs de rues...
Vietnam 2005 : Phénix, dragons, et vendeurs de rues...Vietnam 2005 : Phénix, dragons, et vendeurs de rues...

Publié dans Voyages

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